16.1 Charlotte

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Charlotte se réveilla le sourire aux lèvres. Elle adorait cette sensation de se réveiller dans des draps emmêlés, et elle adorait son corps après l'amour. Elle se sentait tellement plus mince, plus jolie, plus grande, plus féminine ! L'univers entier ne pouvait que lui sourire quand elle se sentait si bien.

Le travail entama pas mal sa joyeuse bonne humeur, elle n'avait toujours rien à faire, rien à apporter de plus, elle s'occupa néanmoins à replacer les capteurs de mouvement tout autour de la barrière de brume. Le projet avait été repoussé suite à la conclusion que la brume ne bougerait pas, mais que la population de Nevenoe n'était pas fichue de laisser en place ces putains de capteurs. Tout ce qui était caméra de surveillance survivait mal à ici... pourtant la criminalité était très basse, voire absente.

Elle passa le reste de la journée à élaborer un protocole d'alerte au cas où la brume lui ferait l'immense honneur de reculer ou même de s'ouvrir...

Finalement, après avoir été pas mal occupée par ses recherches, elle rentra chez elle, tard dans la nuit.

— Mon monsieur dort ? demanda-t-elle le sourire aux lèvres.

Pas de réponse. Elle posa son sac dans l'entrée, ses clefs dans le panier de la cuisine et détacha ses cheveux pour laisser la pince sur l'évier de la salle de bain. C'est là, dans la pénombre, qu'elle commença à comprendre. Il n'y avait plus qu'une brosse à dents dans le verre. Elle alluma la lumière et vit que le gel douche et le shampoing pour homme avaient disparu aussi.

— George ! 

Elle se précipita vers la chambre, allumant toutes les lumières au passage et trouva le lit dans le même état qu'elle l'avait laissé ce matin. Le réveil de George n'était plus sur la table de nuit. Dans la penderie, plus de costumes, plus de chemises blanches plus de valise... plus rien...

Elle poussa un gémissement douloureux et retourna en courant dans l'entrée pour récupérer son sac et son téléphone à l'intérieur. Elle composa son numéro et écouta les sonneries se succéder sans réponses. Gémissant comme un animal blessé, elle se précipita vers son ordinateur et le chercha sur les réseaux sociaux. Il n'était plus nulle part, il l'avait surement bloquée parce qu'elle ne pouvait même plus le trouver.

Son second réflexe fut de sécher ses larmes et de fouiller partout pour trouver une lettre d'explication. La boite aux lettres ? Rien. Sur la table de la cuisine ? Rien non plus. Son bureau ? La table de chevet ? Dans le lit ? Sur la porte ? N'importe où, bordel ? 

Non, George était parti.

Elle jura, cria, gémit, et pleura à s'en couper le souffle. Pourquoi ce connard était-il parti ? La douleur lui coupait le souffle, l'envie de mourir lui explosait la tête. Elle se mit à délirer, rêvant qu'il n'était pas parti, mais que la brume l'avait avalé, qu'elle était entrée dans l'appartement et qu'elle avait tout pris, tout récupéré de lui jusqu'à ce qu'il ne reste plus une seule trace de lui. Et lorsqu'elle reprit connaissance, elle était dehors, devant le mur de brume en pleine nuit, pieds nus, débraillée et en larmes. Ça y est, on y était, elle pouvait donner corps à ses pires cauchemars, maintenant. Mais était-ce vraiment des cauchemars ? Si elle se mettait à courir, là, tout de suite, il lui suffirait de sauter tête en avant et en un rien de temps, il ne resterait plus rien d'elle. Si sa tête était broyée en premier, elle n'aurait même pas le temps de sentir la douleur. Ou peut-être que si, elle allait bientôt savoir... C'était son job de tenter tout ce qui était possible avec la brume, non ?

Elle s'élança. La tête la première, il fallait que ce soit la tête sinon elle souffrirait tant qu'elle ne pourrait pas aller au bout. La tête la première...

CALMOù les histoires vivent. Découvrez maintenant