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Fabio ouvrit les yeux. Il faisait nuit et tout le monde dormait. Tout le monde, non, puisqu'un bruit de pas l'avait tiré de son sommeil. Un bruit de pas et un sanglot, puis la porte qui s'ouvre et se referme. Keii n'était plus à côté de lui...

Il se leva. Ian était debout aussi. D'un geste, il lui fit comprendre qu'il s'en occupait et sortit de la chambre. Il pouvait reconnaitre le pas de Keii entre mille, c'est pourquoi lorsqu'il l'entendit à l'autre bout du couloir, il n'hésita pas et la suivit. Elle n'était pas habillée. Vêtue juste d'une chemise, elle était pieds nus, les dreads en bataille. Elle dormait toujours comme ça, en chemise d'homme matérialisée, pourtant elle n'en portait pas en d'autres occasions.

Elle entra dans la première chambre libre. Fabio rouvrit la porte dès qu'elle l'eut fermé et la trouva allongée sur un lit en train de pleurer. Sans un mot, il s'assit à côté d'elle et lui glissa une main sur les cheveux pour les caresser lentement, l'écoutant avec une étrange boule au creux de l'estomac. La voir sangloter, ça lui faisait du mal, comme lorsqu'il était content quand les autres étaient heureux. Ce genre de truc, c'était fou, pour lui. Bien plus que la magie, que les histoires à dormir debout de Ian et d'Adam... Ils partageaient quelque chose de fort et ça n'avait pas de prix.

Keii pleura longtemps, et lorsque ses sanglots se tarirent, elle se retourna pour le regarder. Elle avait les yeux rouges, les joues striées de larmes comme si elles avaient attaqué sa peau. Elle soupira.

— Pardon.

Il secoua la tête. Pourquoi elle s'excusait ? De pleurer ? Ou alors elle craignait de l'avoir réveillé ?

— Qu'est-ce que t'as ? demanda-t-il.

— Rien, répondit-elle en se redressant. Une vieille blessure.

— Le type dans la faille ?

Elle hocha la tête.

— Ce mec-là a détruit ma vie. Bon, d'accord, je l'ai détruite toute seule... mais il y a bien contribué. Il est parti. Du jour au lendemain, sans préavis, sans laisser le moindre indice, il a disparu. J'ai cru devenir folle... Et là... il réapparait, comme si de rien était. Comme s'il n'avait rien fait de mal...

— On va lui défoncer la tête.

Elle acquiesça.

— Il n'a pas changé, murmura-t-elle. Il met toujours des chemises avec un pull par dessus, il se coiffe toujours de la même manière. Il a un peu vieilli, mais c'est toujours le même. Il était étudiant en sociologie, mais il voulait partir dans le secteur archéologie. Et il l'a fait, de toute évidence. Pour moi, ça veut dire que, que je sois là ou non, ça ne change rien. Qu'il a pu se débarrasser de moi du jour au lendemain sans que ça ne l'affecte d'aucune manière. Alors que moi... Moi j'ai été dévastée. Tout a changé. Et je m'en veux...

Fabio lui posa un doigt sous le menton pour l'obliger à le regarder.

— C'est un con, souffla-t-il. Et tu n'as aucune raison de t'en vouloir. Aucune. Il est forcément taré pour faire un truc pareil à quelqu'un qui avait confiance en lui.

Elle acquiesça. Il sentit qu'elle avait besoin de pleurer encore, alors il lui ouvrit les bras. Elle hésita, puis répondit à l'invitation. Elle le serrait fort. Il sentait son souffle saccadé sur son épaule. Il était torse nu et elle ne semblait pas gênée de l'étreindre comme ça. En fait, elle avait surement autre chose à penser, c'était lui qui était idiot de penser qu'elle pourrait oublier ce conard et relever les yeux sur lui. Quand elle se redressa, il lui sourit.

— Ça va aller ? demanda-t-il.

Elle fit non de la tête.

— J'aimerais bien être aussi impassible que toi.

CALMOù les histoires vivent. Découvrez maintenant