27.6

23 6 4
                                    


Mika et Osa ramenèrent une dizaine de personnes par des portails qui s'ouvraient ponctuellement dans des lieux discrets de Nevenoe. Puis arriva un moment où plus aucun nom ne leur fut communiqué. Alors sans regret, ils quittèrent la ville qui cette nuit, était pour de bon à feu et à sang. Les humains devaient être devenus fous pour en arriver là. Était-ce le contrecoup de l'attaque dans les gorges ? Est-ce que ce George avait si mal pris que ça de se faire repousser ? Peut-être... ça semblait démesuré. C'était un cauchemar qui se dessinait. Les sous-sols incendiés, le couvre-feu, les communications coupées, les contrôles incessants que la population aurait à subir tant que la « menace terroriste » ne serait pas écartée... Ça n'aurait pas pu être pire.

Iolas arrivait au même moment, provenant lui aussi de Nevenoe, ramenant des réfugiés. Il avait l'air d'aller bien, mais il soutenait deux types qui avaient pris des coups.

— Tiens ! Mon filleul ! Comment ça va ? demanda-t-il à Mika. On vient de se prendre une...

Les deux types qu'il soutenait tombèrent à genou et vidèrent le contenu de leur estomac sur le sol. Iolas fit une petite moue embarrassée.

— Ah... ça fait toujours un peu mal au cœur, les gars. Je suis désolé... Mais c'était ça ou se faire tirer dessus.

— Qu'est-ce qu'il s'est passé ? demanda Mika.

Des soigneurs se rapprochaient pour prendre les blessés en charge. Mika vit du coin de l'œil que son équipe l'avait repéré et se rapprochait.

— On était dans la base militaire, répondit Iolas en se passant une main dans les cheveux. Je suis allé chercher des Artiseurs qui allaient se faire interroger. Quand je suis ressorti, il y avait des humains partout. Pour moi, ce n'est pas trop un problème. Mais pour eux... passer dans les dimensions c'est toujours un peu la gerbe. Le cerveau ne comprend pas, il n'aime pas ça.

— Tu passes vraiment à travers les dimensions ? demanda Fabio.

Iolas fit non de la tête, amusé.

— Non. Je vois la quatrième dimension, expliqua-t-il. Imagine, tu es un dessin sur une feuille. Moi, je suis capable de voir que tu es sur la feuille parce que je suis capable de sortir du dessin et de le regarder de loin. Des fois, tu me vois, mais seulement quand je suis pile en face de toi. Mais dès que je m'en écarte, je ne suis plus dans ton champ de vision. Et parfois, je suis placé de telle sorte que tu crois pointer ton arme sur moi, mais en réalité j'ai fait un pas dans un côté que tu n'es pas capable de concevoir. Tu peux toujours tirer, jamais tu ne me toucheras, tu peux toujours courir, jamais tu ne m'attraperas.

— Et ça fonctionne face aux humains ? insista Fabio.

— Ce n'est pas de la magie, répondit Iolas. Ça ne « marche » pas. C'est une réalité. Si tu t'es coupé un bras, il est toujours coupé devant les humains. Pourquoi tu me demandes ça, tu veux que je t'emmène quelque part ?

Il hocha la tête.

— Tu connais mon frangin ? Alea Jacta Est. Je n'ai pas eu de nouvelles du tout. Tu veux bien qu'on aille faire un tour chez lui ?

Iolas approuva.

— Oui, je le connais un peu, mais je vais peut-être y aller tout seul, parce que tu as l'air mal en point.

Fabio était pâle, sans doute encore malade à cause de l'attaque de Less is Mort.

— Non, ça ira, se défendit-il. Si tu es si fort que tu le prétends, je ne risque rien.

L'assassin fit la moue.

— Si tu me mets au défi, qui suis-je pour résister ? Mika, je t'emprunte ton artilleur.

— Tant que tu me le rends en un seul morceau... répondit Mika.

En fait, il aurait adoré y aller lui-même. Une autre fois, peut-être. Iolas passa un bras autour des épaules de Fabio et les deux garçons disparurent.

— Dire que ce gars-là est réputé pour ne jamais faire de magie... on ne dirait pas, remarqua Keii.

— Tu le connais ? demanda Mika sans être vraiment surpris.

— Je l'ai combattu à Atlantis. Une anguille...


Cette fois, Mika comprit qu'il ne ressentait pas seulement de l'envie, mais aussi de la jalousie. Il était temps qu'ils quittent Nevenoe. Il sentait bien qu'il y avait un niveau supérieur, que même si ce qu'ils avaient découvert ici était incroyable, ils étaient encore extrêmement limités et que les villes de haut niveau avaient mille fois plus à lui apporter. Ian lui avait déjà parlé de territoires tous différents avec leurs propres règles, de villes où les humains n'avaient même jamais vu un MnMoloch et où le moindre contact avec les humains était prohibé, des villes enfouies sous la neige où la moindre trace de pas signait son arrêt de mort, des villes où les humains avaient totalement disparu comme à Ys, mais aussi d'autres comme Atlantis où rien ne limitait la puissance des combats tant la ville était inaccessible sans magie. Il lui avait raconté que d'un endroit à l'autre, les organisations étaient différentes, qu'on pouvait trouver des Lyxirs très offensifs qui faisaient trembler des MnMolochs, ou au contraire des MnMolochs très peu portés sur l'agression des Carliers, très mystérieux et secret sans être moins redoutables, mais renfermés sur eux-mêmes. Et tandis qu'il posait les yeux sur l'état du CALM aujourd'hui, Mika se rendait de plus en plus compte que c'était ce dont il avait envie, de renouveler un peu le jeu et d'aller voir plus loin, de découvrir de nouvelles choses. Mais ce n'était pas le moment. D'abord, il fallait libérer Nevenoe de la guerre contre les humains avant qu'elle ne prenne des proportions apocalyptiques.

CALMOù les histoires vivent. Découvrez maintenant