15.6 Mika

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Davan claqua des doigts.

— Ainsi soit-il. La séance est levée. Puisque nous ne sommes pas d'accord, nous prendrons une décision lorsqu'il sera l'heure d'en prendre une. En attendant, je suis à l'écoute de toutes les idées qui pourront nous aider à prendre l'avantage et j'ouvre une nouvelle série de quêtes : éviter une guerre perdue d'avance.

Puis en regardant Mika, il ajouta :

— Dans mon bureau, tout de suite, il faut qu'on mette des choses au clair.

La réponse de Mika avait réussi à tirer des applaudissements aux Carliers, et certains l'avaient très mal pris. La prise de décision subite de Davan sans consulter la reine avait aussi jeté un froid. Si le roi en arrivait là, ça devait être qu'il estimait les chances de survie de Mika faibles. D'un autre côté, il venait encore de la provoquer...

Aussi, dès qu'il fut libre, Mika rejoignit son équipe. Ils se réfugièrent dans le bureau de Davan et fermèrent la porte.

Davan les y avait attendus, debout, bras croisés.

— Il fallait vraiment que je vous parle, dit-il. Il faut que vous m'expliquiez quelque chose. Osa est en train de jeter de l'huile sur le feu. Qu'est-ce que vous savez ? 

Les garçons échangèrent un regard inquiet. Mika pensait que Davan l'avait convoqué à cause de cette histoire de MnMoloch, mais si c'était à propos d'Osa, c'était encore bien pire. Il l'avait vu faire, il l'avait vu briller aux côtés de la reine, la conseiller, et surtout, elle n'avait pas hésité à déballer des trucs qui ne regardaient que lui, devant lui. À quoi jouait-elle ?

— Qu'est-ce qu'elle a fait ? demanda Ian. Je veux dire... à part tout de suite.

— Elle s'est mise à soutenir la quête contre les déchus, elle organise des pièges contre eux en contournant mon interdiction de se battre par des machinations vicieuses. Elle est devenue la favorite de la reine, les mecs, numéro un dans la bataille contre les déchus.

Fabio remit en place la visière d'un chapeau invisible. Ian se massa la nuque. Mika avala sa salive avec difficulté. Que pouvait-il bien se passer dans la tête d'Osa ? 

Il était certain qu'Osa les choisirait eux. Non, il n'en était pas certain. Son attitude était si ambigüe, mélange de sourires comme un « fait-moi confiance » et de coups en traitre. Comment interpréter ses gestes ? En se rapprochant de la reine, elle montrait clairement qu'elle se rapprochait du pouvoir, et quoi de mieux que se rapprocher du pouvoir pour le faire tomber ? Si Osa choisissait les Artiseurs, n'était-ce pas trahir les Carliers que de la laisser faire ? Si... mais il ne pouvait pas la trahir, surtout si en réalité elle choisissait les Carliers.

— Dernière chose, continua Davan. Mika qu'est-ce que tu lui as fait ? 

— Moi ? Rien, on s'est quittés en très bon terme ! se défendit-il.

— Pourquoi ? Si vous étiez en bons termes, pourquoi vous a-t-elle plaqué ?

— Parce que ses objectifs étaient à l'opposé des nôtres, répondit Ian. Elle ne voulait plus avoir à affronter les MnMolochs et préférait se concentrer sur les Artiseurs. Et la cour de la reine, ça lui manquait, ajouta-t-il avec un petit air dépité.

— Pourquoi tu me demandes ce que je lui ai fait ? demanda Mika.

— Parce qu'elle t'a officiellement nommé bouc émissaire des enfants de la reine, dit-il avec une moue ironique. Tu serais devenu le principal défenseur des déchus. Amusant, n'est-ce pas ? Alors vous allez avoir du mal à me faire gober que vous vous êtes quittés en bon terme.

Mika secoua la tête.

— Je te jure que ça s'est bien passé, le jour où elle est partie, on en a discuté et on l'a soutenue.

Davan soupira.

— Bien... si vous le dites... Maintenant, parlons de cette histoire de MnMolochs. Mika, tu me jures que tu ne sais rien ? 

— J'ai rencontré Mille Lions, au cours d'une quête, je crois, révéla Mika. Il m'a appelé par mon nom, il savait qui j'étais, et il ne m'a pas tué, il s'est barré. Il m'a dit... « de quel droit tu manies un fendoir ? », imita-t-il en prenant une voix grave. Et « Nous nous reverrons. » Un truc comme ça.

— Et c'était quand ? 

— Tout à l'heure. Mais il ne s'est rien passé, je ne l'ai pas provoqué, rien ! Je croyais que c'était une illusion.

Davan se frotta le menton, pensif.

— Ça ne m'évoque rien, tout ça. J'ai encore du mal à comprendre.

— Moi ça m'évoque quelque chose, murmura Ian. Une histoire de prophétie.

— Que dalle, répondit Davan. Je sais exactement de quoi tu parles, et c'est non, les conditions ne sont pas remplies. Les MnMolochs ne sont pas au courant, en plus. Oublie.

Ian fit la moue.

— En attendant, continua le roi, Mika, je te conseille de te planquer. Tu es en danger ici. Est-ce que tu as un autre endroit où aller ? Est-ce qu'il faut que je te ménage une planque ?

— Je m'en occupe, assura Ian. Je connais l'endroit idéal. Et... concernant la quête, Éviter une guerre ? demanda Ian.

Davan fit non de la tête.

— Vous n'y prendrez pas part.

— C'est injuste, je suis le premier concerné, remarqua Mika.

— Je sais, mais ce n'est pas le problème. Le problème, c'est que vous êtes trois. Les groupes Carliers sont de quatre ou cinq personnes, pas plus, pas moins. Vous vivotez avec des quêtes solos et des combats d'arène, mais vous êtes à la traine, vous perdez des forces à cause de vos nombreuses morts, votre réputation est au niveau de la Croisée, et pire encore vous n'êtes toujours pas équipés. Mika, l'armure est bien, mais tu n'es pas assez fort ni assez haut niveau pour compter sur un fendoir matérialisé. Aux premières blessures, il te fera défaut. Crois-moi, il te faut une arme, ne serait-ce que pour t'habituer à son poids. Fab... tu n'as toujours pas d'arme.

— J'ai commencé une quête avec des Artiseurs pour ça, mais ils n'ont pas l'air de vouloir se bouger.

— Je les contacte. Ian, tu t'es endetté, pour ton armure. Tu vis au-dessus de tes moyens. Les quêtes majeures comme celle-ci sont soumises à un impôt d'une pièce d'or par lune. Deux pour les déchus. Aucun d'entre vous n'a les moyens. Bougez-vous les garçons ! 

— Tu es bien gentil, Davan, rétorqua Mika. Mais tu imagines un peu ce que tu nous demandes ? Trouver un quatrième après ce qu'il vient de se passer ?

— Je te l'accorde. Ça relève de l'impossible. Donc, vous ne participerez pas à la quête qui te concerne de plein fouet. C'est triste, hein ? 

— Tu es un sadique.

— Je sais.

Alors qu'ils allaient sortir, Davan ajouta.

— Fab, j'ai la réponse des Artiseurs. Ils vous attendent à l'arène du Gladiateur. Vous voyez, ce n'est pas si compliqué ! 

Ils se rendirent directement à l'arène, histoire de régler au moins un de leur problème et d'échapper à l'ambiance de la Boite. Comme l'avait annoncé Davan, les Artiseurs les attendaient dans les vestiaires de l'arène. Ils confièrent à Fabio une nouvelle arme très proche de la première et proposèrent un duel d'équipe, Carliers contre Artiseurs.

— Il y a un problème, murmura Ian dès qu'ils entrèrent dans l'espace de combat.

Mika et Fabio le sentaient aussi. Dans les gradins, une foule d'Artiseurs les regardaient en ricanant. En face d'eux, les techniciens du clan Stealside leur firent signe.

— On va vous apprendre un truc primordial, les Carliers, fit l'un d'eux. Il ne faut jamais demander à un Artiseur de travailler plus vite.

Ian se mit à courir, Fabio lança son arme, mais c'était trop tard. L'explosion fut si forte et si violente que toute l'équipe fut tuée sur le coup. 

CALMOù les histoires vivent. Découvrez maintenant