CALM

18.4 Charlotte

Comme elle n'avait nulle part où aller, Charlotte dû prendre une chambre d'hôtel. Pas le choix, elle commençait à sentir la fatigue pointer le bout de son nez, et il fallait bien qu'elle se repose. Puis une fois au chaud dans un environnement confortable, elle fit le tour de ses possessions en maudissant la manière chiche dont elle avait rempli sa valise. Ce n'était pas censé se passer comme ça aussi ! Elle aurait dû aller dans les baraquements militaires, être guidée, formée, et même couvée tant et si bien et maternée avec tant de sollicitude qu'elle en avait eu marre la première fois. Pas rester comme une idiote devant la gare...

Elle ne possédait que trois tenues, et pas de chance, aucune n'était blanche. Ça commençait mal... Sur les bijoux qu'elle gardait, aucun n'était orné d'une pierre, tous étaient en or ou en argent. Et puis un triskèle... elle n'en avait pas. Née en Irlande, elle avait une idée plutôt précise de ce que c'était, mais elle n'en avait jamais vu ici, à Nevenoe, et s'il fallait qu'elle le dessine...

Bref, ça commençait mal.

Peu importait, au point où elle en était, elle pouvait se permettre de louper son démarrage. Elle avait un peu d'argent, elle achèterait ce qu'il lui manquerait, elle verrait ensuite pour se retrouver rapidement un appartement.

Par contre, se trouver un nom, ça elle devait faire. Un nom à consonance celtique... Sur son téléphone, elle chercha des prénoms d'origine celte pour se faire une idée et passa un long moment à les lire. Laisser tomber Charlotte pour s'appeler Gaelle, ça n'avait rien de fantasmagorique. Elle avait envie d'un vrai changement, d'un truc qui lui chamboule l'esprit pour de vrai, mais bon... irlandaise de souche, ce n'était pas les noms celtiques qui allaient lui changer. Quoique... C'était tout con, mais son regard n'arrêtait pas de se poser sur l'un d'eux. Complètement idiot, idée stupide, consonance pas vraiment celtique, mais... et si elle s'appelait Arthur ? 

Bah oui, c'était bizarre d'avoir un nom d'homme quand on est une femme, carrément étrange, mais pourquoi pas ?

— Bonjour, je m'appelle Arthur, fit-elle en se regardant dans le miroir.

— Arthur ? mima-t-elle avec un air de perplexité. Mais c'est un nom de mec.

— Et alors pauvre conne, je t'en pose des questions ? répondit-elle avec un air mauvais.

— Euh... non.

Elle se mit à rire.

— Et vous faites quoi dans la vie ? 

— Je suis chercheuse.

— Et vous cherchez quoi se demanda-t-elle avec un air perplexe.

— J'étudie la brume.

— Ah ? Parce qu'il y a quelque chose à étudier sur la brume ?

— Je t'en pose des questions connasse ? 

Elle rit encore. Il fallait croire que ça l'amusait de s'insulter dans le miroir parce qu'elle continua comme ça, en parlant de George, de ce jeu et de tous les défauts qu'elle se connaissait. Puis quand ce petit jeu la lassa, elle se laissa tomber dans son lit et éteignit la lumière. Ouais... Elle s'appelait Arthur, mais elle n'était plus chercheuse. Quand on lui demanderait ce qu'elle était dans la vie, elle pouvait ne répondre rien du tout. Elle n'était plus rien. On se définit par le rôle qu'on occupe dans la société, et donc elle n'avait plus de définition du tout. Dans ces cas-là, on se suicide ? Non, dans son cas, elle se contentait de prendre un nom de mec et d'aller crier des promesses dans le vent. Génial.

D'ailleurs, cette histoire de promesse la troublait assez pour qu'elle cherche une bonne partie du reste de la nuit ce qu'elle allait bien pouvoir promettre. Devenir végétarienne ? Jamais de la vie. Arrêter de fumer ? Certes, elle ne fumait déjà pas. Arrêter de râler ? Ça serait bon pour sa santé, mais c'était au-dessus de ses forces. Alors quoi ? Qu'est-ce qu'elle pouvait faire ou arrêter de faire pour le bien de la planète ou pour son bien à elle ? Elle ne voyait pas du tout. Les gens qui prenaient de bonnes résolutions une fois l'an, ça lui passait loin au-dessus, mais dans ces cas-là, qu'est-ce qu'ils prenaient comme résolutions ? Faire du sport ? Beurk... Et à part ça ? Elle ne savait vraiment pas.

Elle se réveilla vers midi le lendemain. Elle savait que c'était encore tôt, mais elle se leva pour pouvoir aller faire quelques courses. Elle se trouva quelques robes blanches, et pour la pierre s'offrit un bijou en ambre.