16.3 Charlotte

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— Bonsoir.

Alea était venu, il lui souriait de son air le plus calme. Il avait enfilé un long manteau noir sur sa tenue un peu excentrique, très cuir.

— Bonsoir, répéta-t-elle. Merci d'être venu.

Il baissa les yeux sur la valise que Charlotte avait posée à côté d'elle.

— Tu t'en vas ? 

Elle approuva.

— Je crois que c'est ce que j'ai de mieux à faire, je pense. Ce monde-là me pèse.

Il hocha la tête.

— Mais je tenais vraiment à te parler de... la brume. Il faut que je sache.

Il rit en silence et fit non de la tête.

— Alors tu as refusé ? fit-il pour changer de sujet.

— Tu parles du jeu ? Je ne suis pas une joueuse. Je n'ai pas de temps pour jouer. Je cherche juste des réponses.

— Ces réponses sont hors de ta portée, rétorqua-t-il. C'est comme si tu refusais d'entrer dans la pièce où est stockée l'encyclopédie.

— C'est bien gentil, les métaphores, mais ça ne répond pas aux questions, remarqua-t-elle.

— Le MJ dit toujours que c'est un jeu, continua-t-il. Mais ce n'en est pas vraiment un. C'est un autre monde, un peu comme Gaïa, mais en mieux, avec les attentes qu'on avait en arrivant.

— Je veux bien te croire, mais ça ne m'intéresse pas, je veux juste m'en aller. Mais je ne pourrai pas partir en paix sans savoir, sans comprendre ce que j'ai loupé, tu comprends ?

— Je comprends parfaitement, assura-t-il. Mais je ne peux rien pour toi.

Elle poussa un long soupir, agacée, frustrée.

— Pas même si je te paye pour tes informations ? tenta-t-elle.

— Je ne veux pas de ton or, il n'a pas cour chez moi.

— Ah oui...

Il avait juste l'air complètement allumé, ce type, en fait. Bon... et maintenant, qu'est-ce qu'elle pouvait faire ?

— Est-ce que tu crois que tu pourrais appuyer une autre demande auprès du MJ pour moi ?

Il sourit.

— Tu es opiniâtre, hein ?

— C'est bien possible.

— Je veux bien essayer, mais je sais pourquoi le MJ n'accepte pas souvent les chercheurs de l'OGRS.

— Parce qu'ils ne sont pas crédules ? se fâcha-t-elle.

— Non. Parce qu'ils manquent de tact. C'est un peu comme si tu allais en Italie et que tu refusais de manger sans couper tes pâtes, comme si tu te baladais en minijupe dans les quartiers reculés du Maroc, comme si tu insultais tes hôtes dans leur propre foyer. Tu comprends ? 

Devant son silence, il continua.

— Je suis désolé, mais je protège mon monde et je ne compte pas déranger encore celui qui en est le souverain. Je ne peux pas appuyer ta candidature une nouvelle fois.

— Tu as conscience que la royauté c'est de la dictature et que du jour au lendemain tu peux tout perdre pour un caprice de monarque ? rétorqua Charlotte aigrie.

— Bonne soirée, conclut Alea.

Il se leva. Charlotte le regarda partir l'invectivant mentalement, puis se rendit compte qu'elle était une idiote et qu'une fois de plus, elle avait tout gâché. Les gens lui tendaient la main, et elle crachait dessus. Ce n'était pas comme ça qu'elle s'en sortirait. Mais il y avait tant de colère et de haine en elle qu'elle n'arrivait plus à faire autrement. 

CALMOù les histoires vivent. Découvrez maintenant