3.4 Mika

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— J'ai entendu quelque chose, fit un MnMoloch.

Mika serra les dents. S'il restait sur le lustre, il allait se faire choper. Il fallait qu'il parte, maintenant. Mais comment ? En sautant lui aussi ? Non, ce n'était pas ce que Iolas lui avait demandé de faire. Comment était-il arrivé ?

Il chercha autour de lui. Il se souvenait avoir escaladé une structure en bois et sauté pour atteindre cet endroit. Il leva la tête et vit des poutres au-dessus de lui. C'était là qu'il devait commencer. Et nulle part il ne voyait de cachette.

Nouveau raclement de chaise. Une dispute commençait en bas. Mika se sentait à deux doigts de la panique. Respirer calmement. Respirer. Non ! Ne pas respirer. Trop de bruit.

Il se leva tout doucement pour atteindre la poutre. Il se hissa à la force des bras en faisant le moins de bruit possible. Bon sang, ce qu'il pouvait être maladroit, gauche ! Ça paraissait tellement plus facile avec Iolas...

Il chercha à retrouver le côté par lequel il venait. Il tremblait comme une feuille et son cœur battait n'importe comment. Iolas était un fou. Mais c'était pour cela qu'il l'avait choisi, non ?

Se concentrer. Les bruits et les sensations qu'il avait perçus en venant ici, c'était la clef. Il se rappela être passé près du poste de la musique. Alors lentement, patiemment, il rampa dans cette direction. La poutre grinça sous lui. Nerveux, il se figea.

— Putain ! Qu'est-ce que c'est que ça ! gronda un MnMoloch.

Le souffle coupé, Mika reprit sa progression, rapide. Il s'écorcha les genoux et sur sa poutre, mais détala quand même. Arrivé à un angle, il bifurqua, soulagé de quitter ce réfectoire. Toujours pas de cachette. C'était la fin de la poutre.

Il arrivait dans un long couloir où se succédaient des voutes taillées dans la pierre comme auraient pu l'être d'anciennes caves de la Terre. Mais où était-il, bon sang ? Ça ne ressemblait à rien de ce qu'il connaissait.

Maintenant, il fallait descendre. Heureusement, le couloir était silencieux, mais quelqu'un pouvait sortir des nombreuses portes d'une seconde à l'autre. Il suivit le mur, inquiet, jusqu'à ce qu'enfin il trouve la sortie, large comme le dos d'une chaise... Une grille d'aération ouverte. Il s'y faufila rapidement.

Il retrouva l'air libre au fond d'une ruelle étroite et seulement s'autorisa à respirer. Il se rendit alors compte que le quartier général des MnMolochs se trouvait dans les tunnels qui avaient abrité les fondations d'un métro qui n'avait jamais vu le jour. Les voies d'accès avaient été condamnées, mais les MnMolochs les avaient rouvertes pour investir les lieux. Ce que toute la population de la ville prenait pour des clochards tapis dans les coins sombres était en fait des guerriers MnMolochs ultras forts. Cette idée plaisait à Mika au point de le faire rire. En fait, cette soirée avait quelque chose de magique... Angoissante, mais magique.

Comme la panique refluait lentement, maintenant qu'il était hors de portée des MnMolochs, il continua son chemin, retrouvant laborieusement les palissades qu'il avait escaladées, les murets sur lesquels il avait été poussé à jouer les équilibristes... Il passa un pont au-dessus de la rivière qui scindait Nevenoe en deux et arriva sur une petite place du quartier des affaires où cette fois, il perdit sa piste. Il ne se souvenait pas être arrivé ici. Il se rappelait les bus qui circulaient partout, il se souvenait d'un étrange bruit de souffle, il avait vu que le sol était différent, et il se souvenait d'un claquement. Et d'un tictac, aussi.

Le tictac le fit se rapprocher d'une horloge sur l'une des immenses tours de verre noir. C'était la mairie. Il avait bien gravi ces marches, et avant ? Il suivit une rampe et longea des pavés. Il se souvint d'une rigole sur laquelle il avait trébuché plusieurs fois. Il la parcourut et quand il releva les yeux, il se trouvait devant une autre de ces tours. Iolas se tenait devant les portes. Victoire.

Iolas leva la main, Mika répondit à son geste et frappa dans la sienne.

— Bienvenue à la Boite, la maison mère des Carliers, mon frère. C'est ici que nos routes se séparent.

— Tu t'en vas ? 

Il hocha la tête.

— Je n'ai pas vraiment le niveau pour rester dans cette ville, et notre rencontre est un énorme hasard. Mais quand tu seras plus fort, on se reverra, c'est certain.

Il lui donna une tape sur l'épaule et sans un mot de plus, il quitta la tour et s'éloigna. Mika le regarda partir avec la sensation d'être lâché dans une jungle, seul et sans arme. Mais n'était-ce pas ce qu'il venait de vivre pendant l'initiation ? Il y avait survécu une fois, il y survivrait encore. 

CALMOù les histoires vivent. Découvrez maintenant