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À minuit, Davan surgit du bureau des quêtes comme un diable sortant de sa boite. Immédiatement, les hauts niveaux s'inclinèrent devant lui. Il resta plusieurs secondes à les regarder puis se mit à rire en se tenant les tempes.

— C'est définitif, nous avons une chance de pendu, dit-il en ouvrant les bras. Vous arrivez pile au bon moment. Mes enfants, je suis très heureux de vous revoir.

— Il s'est passé quoi avec maman ? demanda Ili A ilI d'un air enfantin.

— Votre mère a été très vilaine... Nous ne devrions pas tarder à avoir de ses nouvelles.

Un peu en retrait, Mika regardait effaré tout ce petit monde discuter avec Davan comme s'il était réellement leur père ou leur roi. C'était étonnant, et même émouvant. Un peu partout, maintenant, du monde venait aux nouvelles et l'on découvrait les nouveaux venus avec surprise et souvent avec joie. Mais tout le monde était un peu mou, cette nuit. Grimaces, fatigue, maux de tête... c'était un peu comme si la Vieille Boite était toute entière victime d'une énorme gueule de bois.

— Davan ! appela Keii en entrant dans le salon des quêtes. Le MJ est dans le hall.

Le roi hocha la tête et s'y rendit, tout le monde l'y suivit. Dans le hall, il n'y avait pas que le MJ comme l'avait dit Keii, il y avait toute une foule. Tous les Carliers purs étaient là, agenouillés et enchainés les uns aux autres, leur reine y compris.

— Quelle belle nuit, MJ, se moqua Davan en s'approchant ? Je crois que je n'ai jamais été aussi heureux de vous revoir.

— Ton enthousiasme t'honore, répondit le chevalier avec un sourire dans la voix.

Ian et Fabio venaient d'apercevoir Mika et se dirigeaient vers lui. En cherchant Adam, Mika se rendit compte qu'il était déjà là et observait la scène avec curiosité.

— Notre MJ est fan de bondage, murmura Keii au sorcier.

Adam la regarda avec intensité comme si elle avait dit quelque chose d'absolument ignoble.

— Bah quoi ? Tu as vu ces nœuds ?

— Évite de proférer le moindre jugement sur le MJ répondit Adam.  C'est plus prudent.

Keii ricana. Le silence se faisait peu à peu tandis que les derniers retardataires entraient.

— Votre attention, commença le MJ. À circonstances exceptionnelles, situation exceptionnelle. La guerre civile des Carliers s'est achevée par la défaite des Carliers purs. Il convient donc aux Renégats de décider du destin des perdants.

Il fit un geste large pour englober les Carliers de la reine, si nombreux qu'ils devaient représenter deux à trois fois le nombre des Carliers Renégats.

— Roi Davan Ata Sad, continua le MJ. Acceptes -tu d'accueillir dans tes rangs ceux qui tu as vaincu.

Davan fit mine de réfléchir, le sourire aux lèvres.

— J'aime et je respecte chacun de mes enfants. La guerre est terminée et je suis très heureux de les retrouver. Vous m'avez manqué, ajouta-t-il avec un clin d'œil.

Aussitôt, les chaines cédèrent, mais les Carliers restèrent agenouillés. Seule la reine restait entravée.

— Envisages-tu des sanctions ? continua le MJ.

— Oui. Je pense qu'il est nécessaire de réaffirmer mon autorité sur ceux qui ont mis en danger les Carliers tout entiers.

— Je t'écoute.

Davan prit à nouveau une seconde pour y réfléchir.

— Je suggère que tous ceux qui se sont nommés un jour « Carliers purs » sacrifient vingt-cinq pourcent de leur fortune personnelle afin de la répartir équitablement à tous les Carliers déchus.

Ian ouvrit de grands yeux et jubila en silence, point serré. Il n'était pas le seul à exprimer son approbation.

— Ça me parait raisonnable, approuva le MJ. C'est chose faite. Autre chose ? 

— Je tiens absolument à ce que Sayuri d'Andromède soit déchue, continua le roi d'un air féroce.

Sayuri sourit d'un air plein d'ironie.

— Et je suggère également qu'elle perde jusqu'au statut de Carlier. Il est hors de question qu'elle puisse avoir la moindre influence sur nous dorénavant.

Les chaines de l'ancienne reine disparurent et le MJ lui tendit la main pour l'aider à se relever.

— Souhaites-tu te défendre ? lui demanda-t-il.

— Non, répondit-elle. Ça me parait tout à fait normal. Davan, tu as toujours manqué d'ambition. Et tu viens de faire gagner aux Artiseurs un atout dont tu te mordras les doigts.

— Je n'en doute pas. Tu vas me manquer, dit-il avec tendresse.

L'ancienne reine disparut tandis qu'elle levait les yeux au ciel.

— Souhaites-tu apporter une dernière précision ? demanda le MJ.

— Et bien... oui. Je souhaiterais en profiter pour rappeler à tous les Carliers que vous êtes mes enfants. Cela est important, cela signifie que vous êtes tous les membres d'une grande famille, tous frères et sœurs, quels que soient vos parcours et vos différences. Notre unité doit redevenir une force. Comptez les uns sur les autres, faites-vous confiance. N'importe lequel d'entre nous même s'il est le moins conventionnel des Carliers peut être celui qui à lui seul retournera le cours d'une bataille en notre faveur.

Ian donna une tape sur l'épaule de Mika.

— J'espère qu'à partir de maintenant nous allons pouvoir travailler à nouveau de concert. Il est temps, parce que nous sommes en guerre. Nous devons gagner la suprématie sur Nevenoe. Je compte sur vous.

— Vive le roi ! cria Keii en levant le poing.

Son cri fut repris par l'ensemble des Carliers. Davan se mit à rire.

— Ah ! Là, je suis content, mais n'en faites pas trop quand même. Allez, au travail.

Le MJ salua le roi et tourna les talons. Mika sentit Adam le prendre par les épaules et le tourner vers le MJ.

— Écoute, lui souffla-t-il. Regarde.

Curieux, Mika regarda le MJ disparaitre, mais pas tout à fait. Plus personne ne semblait le voir. Alors il fit quelque chose que Mika pensait impossible. Il ôta son casque. Cela révéla la tête d'une femme magnifique à la chevelure de flamme et à la peau comme de l'eau douce. Elle resta quelques secondes à regarder les Carliers avec un sourire maternel puis quitta la Boite. Sur le pas de la porte, elle se retourna pour adresser un petit signe de la main à Adam et disparut, pour de bon, cette fois. Mika ne parvenait plus à cligner des yeux comme s'il avait peur de perdre cette image.

— Qu'est-ce qu'elle est belle ! souffla-t-il.

— Ce n'est qu'une pâle idée de ce qu'elle est vraiment.

— Qu'est-ce qu'elle est ? 

— Le Maitre du Jeu, répondit-il avec douceur. Elle est le CALM. Celle que l'élu doit défendre. Il fallait bien que tu la voies au moins une fois. 

CALMOù les histoires vivent. Découvrez maintenant