7.2 Mika

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Le réveil brisa le silence. Mika se sentait mieux, maintenant, après pas loin d'une journée entière de repos, mais il était encore épuisé. Il passa par la salle de bain et se rendit compte qu'il avait un énorme bleu sur la mâchoire. Ça n'avait rien de discret, on pouvait presque voir la trace du poing du MnMoloch. En fait, il était couvert de bleus de la tête aux pieds. Des bleus, oui, mais rien de cassé, n'était-ce pas l'essentiel ?

Comme il était en civil, il se permit un jean bleu avec un T-shirt blanc. Il le fallait bien parce que sinon il allait vite se retrouver à court de fringues. Il garda néanmoins la lanière de cuir et vérifia le contenu de son sac avant de partir.

Dehors, la lumière était vive et crue, comme si en une nuit de Carlier, il avait pu le déshabituer à la lumière, pourtant le soleil était à peine levé. Il ne pleuvait pas ce matin, mais l'air sentait la pluie, et il faisait froid. Ça faisait du bien. Ça réveillait, et il en avait besoin.

Étienne l'attendait devant l'amphithéâtre. Il s'interposa avant de le laisser entrer et le jaugea de la tête aux pieds.

— Tu es quoi ? Vas-y, dis-le. Un lyxir ?

— Qu'est-ce que tu en sais ? rétorqua Mika en remontant discrètement sa lanière de cuir dans sa manche.

— J'avais une quête visant à te faire entrer dans la plus prestigieuse guilde de gamer de Gaïa. Elle est échouée. Échouée ! Tu es passé à côté de l'histoire de ta vie, mec. Et moi j'ai perdu beaucoup...

— Oh merde... je suis désolé. Je ne savais pas.

— On dirait bien, remarqua Étienne en baissant les yeux sur son menton bleui. Ne me dis pas que t'es un MnMoloch, si ? Si, ça t'irait bien au teint.

Hein ? Ça lui irait au teint à lui de jouer au chien de meute et de coller des pains à tout va ? D'un autre côté, peut-être qu'en effet, il se sentait plus dans l'effervescence de ces groupes fous que dans le silence précieux des Carliers. Mais ça, Étienne ne pouvait pas le savoir.

— C'est important ? Je suis un civil, là.

Étienne hésita.

— Civil, civil ?

— Oui, approuva-t-il. Je viens en cours pour les cours, pas pour jouer.

— Tu m'en diras tant. Bon, ça va... je passe pour cette fois. Dis-moi juste que t'es pas un Carlier.

Mika resta silencieux.

— Allez, putain, juste ça ! Dis-le-moi !

Comme il commençait à y avoir du monde, Étienne finit par se taire. Océane passa loin d'eux, sans leur accorder un regard. Étienne le remarqua, mais ne fit aucun commentaire. Par contre, Mika se sentit blessé.

Épuisé comme s'il s'était levé beaucoup trop tôt, il sortit ses affaires et s'installa, la tête appuyée sur sa main et une fatigue irrépressible s'empara de lui. Il avait pourtant dormi pendant toute une journée et toute une nuit. Peut-être que c'était ça le problème, qu'il avait trop dormi. Il pensait être perdu dans ses pensées jusqu'à ce qu'il se réveille en sursaut, à cause d'un grand coup de coude d'Étienne. La prof était juste devant lui et l'observait.

— Vous voulez aller à l'infirmerie, demanda-t-elle.

— Non, excusez-moi, madame.

Elle l'observa encore puis passa à autre chose. Mika se reprit son stylo après avoir massé l'endroit où Étienne l'avait frappé. Ce dernier s'excusa.

— Tu vas avoir des ennuis, souffla-t-il.

— Pire que de me retrouver dans une cage à me faire tabasser par un grand MnMoloch en short ?

Étienne ouvrit de grands yeux. Son regard se posa sur la lanière de cuir bien visible à son poignet découvert.

— Et merde, t'es un Carlier. Ça n'aurait pas pu être pire.

Mika ne répondit rien. C'était lui qui avait remis le jeu sur le tapis, il ne pouvait s'en prendre qu'à lui même.

— J'imagine que pour l'invitation de samedi, c'est mort ? demanda-t-il.

— Évidemment. Traitre.

— Oh, c'est bon...

Mika soupira. Ça allait vite devenir lourd.

— Tu t'es vraiment fait tabasser par un MnMoloch ? demanda Étienne au bout d'un moment.

— Ouais. J'ai fait des trucs de fou pour mon premier jour.

— Raconte ?

— J'ai été lâché chez les MnMolochs et j'ai dû retrouver mon chemin jusque chez les Carliers tout seul alors que je n'y avais été que les yeux bandés, j'ai sauvé une Carlier qui avait des ennuis dans l'Usine des Artiseurs, et je me suis fait chopper à la sortie par les MnMolochs.

— Tu es venu à l'Usine, releva-t-il. Tu l'as trouvée comment ? demanda-t-il les yeux brillants.

— C'est impressionnant et bruyant, je me demande comment tu fais pour supporter ! Il y faisait super chaud.

— C'est une Usine de métallurgie pour de vrai. Mais il y a toute une zone plus habitable, plus calme. Je te ferai visiter...

Il s'arrêta, se rendant compte de ce qu'il était en train de dire.

— Avec plaisir, assura Mika en lui posant une main sur l'épaule.

Étienne secoua la tête, mais lui sourit.

— Tâche juste de ne pas te faire chopper. Je te ferai regretter d'avoir choisi les Carliers. Je te rendrai dingue de jalousie.

— J'espère bien. 

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