— Chérie !
George était debout en caleçon devant la fenêtre, sa brosse à dents dans la main encore pleine de dentifrice.
— Chérie, regarde !
Charlotte inquiète sauta du lit. Ce qu'elle vit dehors alors que le soleil n'était même pas encore levé la glaça toute entière.
— Oh putain... J'y vais.
Elle passa une gabardine sans même prendre la peine de se changer en dessous, récupéra son sac à main, ses clefs et se précipita dehors. Il lui fallut moins d'un quart d'heure pour arriver sur les lieux, mais quand elle y parvint, il était déjà trop tard. Elle n'avait pas rêvé, c'était une faille, une faille dans la brume. Elle l'avait vue de loin, aussi nette qu'elle aurait pu l'être, légèrement bleutée sur ce mur blanc sans aspérité. Et là, maintenant qu'elle y était, il n'y avait plus rien. Le mur blanc était de retour. Elle en était tellement frustrée qu'elle aurait pu taper du poing contre, mais elle savait qu'elle y aurait perdu sa main. Alors elle se contenta de le penser très fort.
— Qu'est-ce que vous faites ?
Charlotte sursauta et se retourna. Il y avait quelqu'un derrière elle, c'était un homme, plutôt jeune, habillé un peu bizarrement, tout en noir avec un peu de maquillage autour des yeux. Elle ne l'avait pas entendu approcher, et connaissant mieux que personne les dangers de la brume, elle fit quelque pas sur le côté pour ne plus être située entre lui et la brume. Tout du moins un peu moins.
— Est-ce que... vous avez des ennuis ? proposa-t-il en levant les mains en signe de paix. Est-ce que vous vous sentez mal ?
Elle le dévisagea, surprise, mal à l'aise.
— Euh... non. Pourquoi vous me demandez ça ?
Il lui sourit et haussa les épaules.
— J'ai cru que vous alliez vous suicider, admit-il gêné.
— Me... Oh, non.
Elle rit, indulgente.
— Non, pas du tout, je ne suis pas suicidaire.
— Excusez-moi, fit-il en se passant la main dans les cheveux. Votre allure, toute décoiffée, le maquillage passé, on voit votre chemise de nuit qui dépasse de sous votre veste, j'ai vraiment cru qu'il vous était arrivé un truc pas cool et que vous vouliez en finir.
— Non, rassurez-vous...
Elle rit bêtement, un peu gênée par son accoutrement qui, c'est vrai, était ridicule. Elle se retourna vers le mur.
— Quoique, ajouta-t-elle en constatant à quel point la surface de la brume était à nouveau nette, juste légèrement éthérée comme elle l'était toujours. Je vais finir par l'être. Je suis chercheuse de l'OGRS, je travaille sur la brume.
— Ah bon ? fit-il surpris. Il y a des choses à dire sur la brume ?
— C'est ça, moquez-vous. Tout à l'heure, à cet endroit précis, la brume s'est scindée. Je l'ai vu nettement, alors qu'elle n'avait encore jamais bougé. Jamais.
— Je l'ai vu aussi, approuva-t-il.
— C'est vrai ?
Elle se retourna vers lui et l'interrogea du regard.
— Pouvez-vous me décrire ce qu'il s'est passé ?
— Oh, pas grand-chose, elle a bougé un peu, il y a eu... comme une sorte de faille, mais elle s'est refermée très vite. Peu de gens l'ont vu, il est encore tôt...
Il consulta sa montre.
— D'ailleurs je vais devoir rentrer, moi aussi.
— Est-ce que vous avez... vu autre chose ? Quoi que ce soit qui pourrait expliquer le phénomène ?
La voix de Charlotte était maintenant suppliante. Son seul témoin ne pouvait pas s'éclipser comme ça, impossible... Elle n'avait rien ! Comme une conne elle n'avait même pas pris de photo de la faille de loin.
— Non, rien du tout, répondit-il d'un air désolé.
Elle poussa un long soupir.
— Ma vie est nulle... Bon, ce n'est pas grave. Je vous dis au revoir ? Vous allez travailler ?
— Je vais dormir, rectifia-t-il.
— Bon, et bien bonne nuit, ou ce qu'il en reste.
— Merci, vous devriez en faire autant.
— Oui, c'est peut-être bien ce que je vais faire.
Elle se rendit compte qu'il lui tendait quelque chose. Elle baissa les yeux vers sa main et vit que c'était sa carte. Il y avait écrit dessus une citation latine, Alea Jacta Est et un numéro de téléphone. Quand elle releva les yeux pour lui parler, il avait disparu. Drôle de type, mais quand même sympathique. Il y avait sur Gaïa des gens capables de venir en aide aux autres, et en soi, c'était plutôt rassurant.
Elle enregistra ses observations sur le dictaphone de son téléphone et rentra chez elle, frustrée. George n'était plus là, sans doute déjà reparti à l'université. Elle laissa son sac en vrac sur le sol, laissa tomber ses clefs avec sa gabardine et ne trouva pas la force de se baisser pour les ramasser, alors sans plus attendre, elle se laissa chuter dans son lit et ferma les yeux. Putain de brume de merde...
Lorsque le réveil sonna, elle le fit taire et ferma à nouveau les yeux. Pas envie de se lever, pas envie de regarder si la brume avait bougé, pas envie d'aller bosser, elle n'avait même pas envie d'admettre que la brume avait bougé, parce que si quelqu'un à l'OGRS l'avait vu, elle aurait été forcément été contactée quelque soit l'heure du jour ou de la nuit. Mais non, rien. Il n'y avait qu'elle, son monsieur et l'étrange type avec qui elle avait parlé qui avaient vu le phénomène. Alors, arriver une ou deux heures en retard, ce n'était pas la mort.
VOUS LISEZ
CALM
FantasyParti dans un autre monde pour vivre une aventure, Mika s'est retrouvé à geeker dans sa chambre comme sur Terre. Et si c'était jouer, finalement, la véritable aventure ?