CALM

15.4 Mika

Fabio était dans la chambre, il salua Mika d'un geste, et perdit son regard dans le noir de sa tasse de café.

— Tu as une de ces dégaines, ricana-t-il.

— C'est ça, moque-toi de moi.

— Je ne me moque pas, ça te va bien. Ça te donne un petit côté... Conan le barbare. Je ne suis pas sûr que ce soit fait pour être porté avec une chemise et un pantalon en dessous.

— Ce n'est sans doute pas le cas, mais je m'en fous, je ne compte pas porter ça pour de vrai.

— C'est dommage. Je te dis que ça te va bien.

— Et moi je te dis que tu devrais arrêter de te moquer de moi.

Les deux garçons s'affrontèrent du regard. Mika fit mine de dégainer un fendoir imaginaire. Fabio visa Mika avec un fusil tout aussi virtuel.

— Bam ! 

Mika pouffa en esquivant. Il abattit son fendoir. Fabio jaillit de son fauteuil et se rapprocha en faisant mine de faire tournoyer son fusil. Coup après coup, ils enchainèrent les attaques dans le vide jusqu'à ce que Mika se projette en arrière et s'effondre sur son lit en se massant la poitrine comme s'il avait été réellement frappé.

— C'est bon, t'as gagné, dit-il bon joueur.

Il était encore assommé d'avoir été empoisonné et n'avait aucun mal à jouer la défaite.

— Cool. Tu gardes ton armure.

— Tu es vraiment trop cruel.

— Mmh... ouais. Comment ça s'est passé ta quête ? demanda Fabio en faisant mine de rengainer et de réajuster son chapeau avant de se rassoir.

— C'était cool, mais je n'ai pas vraiment trouvé ce que je cherchais. Un truc un peu guerrier, un peu bourrin...

— Tu as eu l'armure, c'est carrément un truc de bourrin. Et puis je suis sûr qu'elle est enchantée, j'ai senti un truc pas net quand je t'ai approché.

— Elle l'est.

Il prit son téléphone jeta un coup d'œil à ses statistiques.

— Le casque déjoue les illusions, ça, j'ai testé et c'est génial. La ceinture et les épaulières augmentent l'armure et amortissent largement les chocs via un champ de force près du corps. Et le pagne augmente la force musculaire. Les bottes augmentent la dextérité.

— En fait, elle est d'enfer, cette armure.

— C'est vrai, admit Mika avec une moue perplexe. Bon... je la mettrai lors des duels, ça fera marrer mes adversaires... Et toi, comment ça s'est passé ?

— J'ai tout foiré.

— C'est vrai ? s'étonna Mika.

— Nan je déconne. Je visais mieux que l'instructeur. J'ai eu la compétence avant la fin de l'entrainement, je me suis barré.

— Ça ne m'étonne pas. Je me change et...

Il suspendit sa phrase en entendant un drôle de grésillement. C'était si rare d'entendre du bruit dans la Boite que Fabio et lui se mirent immédiatement sur leurs gardes. Fabio se leva pour aller ouvrir la porte et montra la grille d'un hautparleur camouflé dans le mur. Au même moment, une voix grave, imposante, retentit dans le couloir. D'autres Carliers sortaient pour l'écouter.

« Je m'adresse aux Carliers de Nevenoe. »

— Je connais cette voix, murmura Mika surpris.

C'était la voix grave de ce type, le grand MnMoloch qu'il venait de rencontrer à la Croisée.

« Je suis Mille Lions, chef des MnMolochs de Nevenoe. »

Mika sentit son souffle se couper. Sans déconner ? Il s'était retrouvé nez à nez avec le chef des loups et celui-ci l'avait reconnu et appelé par son nom ? Ça n'annonçait rien de bon.

« Je m'adresse aux Carliers de cette ville. Ceci est une menace de guerre. »

Long frisson. Tous dans le couloir écoutaient religieusement.

« Nous voulons Mika Link San. Nous le voulons vivant, et sans espoir de retour. »

Quoi ? Tous les regards se tournaient vers Mika. Tout le monde ici semblait le reconnaitre, au moins de nom et pour la première fois, Mika trouva cela très embarrassant. Pourquoi lui ? Pour lui faire quoi ?

« Nous vous attendrons dans sept jours à l'arène du Silence, entre midi et minuit, afin de convenir d'un arrangement. Si vous acceptez et qu'il nous est livré à cette date, vous pourrez négocier une compensation de votre choix. Si vous refusez, nous viendrons le chercher par la force et nous détruirons tout sur notre passage. »

Une main agrippa Mika par l'épaule. Plus rapide que lui, Fabio se retourna pour frapper, mais c'était Ian.

— On se barre, murmura l'assassin. Et vite.

Il les entraina vers l'ascenseur. Les portes étaient fermées, ça n'arrivait jamais, ça d'habitude. Aussitôt Ian leur fit faire demi-tour et entrer dans la première chambre qu'il trouva, soit celle de Less is Mort.

Dans le couloir, par la porte entrouverte, les garçons écoutèrent ce qu'il se passait. La voix de Mille Lions s'était tût, et celle du MJ prenait le relai pour répéter l'échéance, le lieu, et le nom de la cible. Les portes de l'ascenseur s'ouvrirent et des pas, nombreux se précipitèrent dans le couloir. Dès qu'ils eurent dépassé la porte. Ian rouvrit, jeta un coup d'œil dans leur direction et se faufila hors de la pièce. Fabio suivit, mais Mika se retrouva totalement tétanisé. Son corps ne répondait plus. Il lutta pour suivre, mais ne réussit pas à faire le moindre mouvement. Même respirer lui devenait difficile. Une grande blonde apparut dans son champ de vision. Less...

— Désolée, Mika, dit-elle. Ce n'est pas contre toi, hein. 

Ian qui avait fait demi-tour, jurait en regardant Mika.

— Less... s'il te plait, c'est important, dit-il. C'est très important.

— Déstresse, Ian, répondit-elle.

Trop tard. Les Carliers qui cherchaient Mika l'avaient trouvé.

— Merci, Lessy, fit un Carlier en costume de dandy. Tu es un ange.

— Allez, embarquez-le.

Elle approcha un morceau de tissus du visage de Mika qui retrouva tout à coup sa liberté de mouvement, à l'exception du fait que ses bras étaient enchainés dans son dos. On lui avait ferré les poignets, les chevilles et la gorge par matérialisation et ses bourreaux le tenaient chacun par une chaine. On le força à avancer. Il obtempéra sans lutter. Fabio et Ian restaient à proximité pendant que Ian jurait tout ce qu'il pouvait.