CALM

28.8

Une grande plate forme avait été construite au centre des terrains vagues de Nevenoe. La même boite que celle dans laquelle Mika était enfermé avait été installée dessus, des soldats la gardaient déjà même si l'heure du rendez-vous n'était pas encore arrivée. Mais aucun joueur ne rôdait dans les parages. On cherchait comment sauver Mika, on tentait tant bien que mal de rester discret, on s'armait, parce que oui, personne n'en doutait, ce qui arriverait dans quelques heures, ce ne pourrait être qu'une bataille.

— La brume ne s'est toujours pas effondrée ? demanda Anamen en entrant dans le bureau de Davan.

— Non. Par mesure de sécurité, les Carliers ne sont pas rentrés dans le sanctuaire, moi excepté. Et vous ?

— Nous si. Nous connaissons nos forces et nous savons très bien qu'il ne se passe rien. Rien du tout. Par contre... les blessés ont disparu. Pour de bon. Mika a fait quelque chose, et il va être difficile de lui demander des comptes dans la situation dans laquelle il s'est mis. Et il s'y est mis tout seul, je suis prête à le parier.

Davan hocha la tête.

— Notre grand maitre des illusions va forcément nous jouer un tour à sa façon, je crois que tout le monde en est conscient, sauf que cette fois ça me fait un peu peur.

— Peur ? répéta Anamen surprise. Que pourrait-il faire à part son intéressant ?

— Et s'il en avait marre ? Anamen, tu es la première à te souvenir de la prophétie en toutes circonstances, remarqua-t-il. Comment se termine-t-elle ?

— Par un Game Over, répondit-elle lugubre.

— Comment l'élu peut-il prouver qu'il n'est pas l'élu ? continua Davan. Lui qui doit sauver le jeu pourrait très bien le détruire.

— Ça n'aurait pas de sens ! 

— Réfléchis cinq minutes, continua Davan. C'est un joueur comme les autres, un joueur englué dans un jeu qui ne lui rend pas vraiment service. Le CALM a réduit à néant sa vie humaine et poussé l'OGRS à s'en prendre à sa famille terrienne. Les Carliers l'ont accueilli à contrecœur à cause des manigances de Sayuri. Les autres peuples n'ont pas arrêté de lui chercher des poux, on le gonfle avec cette histoire d'élu au point de le forcer à prendre position et à faire des choix qu'il déteste visiblement faire... Et là, tout à coup, alors qu'on aurait besoin de l'élu, ceux qui lui couraient après le traitent avec mépris et le rejettent. Je dois admettre qu'à sa place, j'irais tenter un autre jeu, parce que celui-là, il est casse-couille.

— Davan, gronda-t-elle.

— Quoi ? fit-il en haussant les épaules. Je réfléchis, et je me dis que Mika a peut-être mis en place un truc qui ne va pas nous plaire. Il faut réagir.

— Comment ?

— Et bien... j'espérais que tu m'aiderais, pour une fois. Mille Lion suit Mika à cent pour cent. La présidente Artiseur, c'est Bloody Osa, comme elle se fait appeler, et tu sais très bien qu'elle fait partie du plan de Mika. On fait quoi ? Est-ce que les lyxirs sont en mesure de faire quelque chose d'utile pour une fois ?

Elle fronça les sourcils.

— Tu t'y prends mal pour obtenir mon aide.

— Voilà le cœur du problème, Anamen. Tout risque d'être détruit, et aujourd'hui, j'aimerais te faire remarquer qu'il faut que tu agisses, et que personne ne te suppliera et ne te brossera dans le sens du poil pour que tu le fasses, parce qu'on a autre chose à faire ! Allez, ma vieille, secoue-toi un peu, et mets tes lyxirs sur le coup. Il faut sauver Mika et le raisonner. Il est déjà presque trop tard.