Chapitre 1 - Une goutte de Vie

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Chapitre 1 – Une goutte de vie

Les choses étaient allées très vite :

Un ballet d'hommes et de femmes en blanc, qui paraissait bien orchestré pour qui regardait de loin.

Marquand s'était laissé glisser le long de la vitre du couloir, il s'était accroupi, recroquevillé contre lui-même et avait assisté, entre conscience et inconscience, à la scène.

Il avait eu le pénible sentiment d'être un simple figurant, vite évincé ; on avait retiré Alice de ses bras et on l'avait laissé là, sans un regard, sans un mot.

Lui-même s'était senti anéanti, privé de toute force.

Vulnérable comme jamais.

A présent il était accroupi dans ce couloir, immobile, hésitant à identifier cet instant comme réel ou irréel.

Pourtant, devant lui il y avait cette flaque de sang.

Sur ses mains aussi il y avait du sang.

Chaque goutte qui était tombée était une goutte de vie d'Alice.

Un sentiment de cupabilité l'écrasa encore un peu plus contre la vitre du couloir.

Un homme passa, avec un chariot de ménage.

Il nettoya la tache de sang avec une désinvolture presque indécente, comme s'il se fut agit d'un simple soda renversé.

La colère qui monta alors en Marquand le fit enfin réagir.

Il se leva d'un bond, des éclairs passant dans le bleu de ses yeux.

Marquand : Vous ne pourriez pas faire ça autrement, non ???

Interloqué, l'homme ramassa sa serpillière sans comprendre pourquoi il se faisait agresser. Il haussa les épaules. Encore un de ces tarés irrespectueux qui faisaient preuve d'incivisme dans les hôpitaux...

Debout, presque groggy, Marquand se dirigea vers l'accueil de l'hôpital. Il ne savait pas réellement combien de temps avait duré son état d'hébétude, mais il s'aperçut que la nuit tombait derrière les vitres du hall d'entrée.

Il demanda à la secrétaire dans quel service se trouvait Alice.

La Secrétaire : En Chirurgie Viscérale.

Chirurgie Viscérale.

Marquand eut un demi-sourire ; même dans cette situation tragique, Alice mettait un point d'honneur à lui faire une sorte de clin d'oeil.

Parce qu'en cet instant, lui aussi avait viscéralement mal.

Viscéralement peur de la perdre.

La secrétaire le regarda comme si elle avait vu un fantôme.

La Secrétaire : Ca va aller Monsieur ? Vous voulez que je vous indique les toilettes, pour que vous puissiez aller vous laver les mains ?

Marquand regarda ses mains. Toutes ces gouttes de vie d'Alice répandues dessus. Il avait le sentiment curieux que ce sang sur sa peau créait un lien entre Alice et lui. Qu'il la tenait en vie.

Puis l'homme cartésien qui était en lui reprit le dessus. Il demanda à la secrétaire la direction des toilettes.

Il se lava les mains et regarda l'eau rougie s'écouler dans le lavabo. Puis il leva les yeux et risqua un coup d'oeil dans le miroir. Celui-ci lui renvoya l'image d'un homme marqué, les traits tirés, l'air aux abois.

Et dans ses propres yeux, il lu un abattement qui lui fit peur.

Il trouva l'ascenseur et monta jusqu'au service de chirurgie viscérale. Il avait le désagréable sentiment de vivre un mauvais rêve, d'évoluer dans un monde parallèle.

Arrivé dans l'unité, il s'adressa à une infirmière qui lui proposa d'aller chercher le médecin de garde. Par chance, c'était celui qui avait participé à la prise en charge d'Alice, et il serait à-même de lui donner des informations de première main.

« Encore un couloir blafard où se morfondre », se dit Marquand en attendant le médecin. Il n'eut pas longtemps à patienter, le Dr Devaux arriva rapidement.

Dr Devaux : Bonjour Monsieur, vous êtes son mari ?

Marquand : Oui. Enfin non...

Le Docteur Devaux le regarda avec un air interrogatif.

Dr Devaux : Oui ou non ?

Marquand : on va dire que je suis un ami proche.

Dr Devaux : D'accord. Bon, écoutez, comme vous le savez, Mme Nevers a été gravement blessée au ventre par une arme blanche. Elle a perdu beaucoup de sang mais au bloc nous avons réussi à stabiliser son hémorragie et je peux à présent vous dire que ses jours ne sont plus en danger.

Marquand poussa un long soupir de soulagement.

Dr Devaux : Toutefois, cela ne se passera pas sans séquelles.

Marquand le regarda, attendant la suite, à nouveau très tendu.

Dr Devaux: le scalpel a touché plusieurs zones de l'abdomen, notamment l'utérus et les ovaires ; les blessures sont profondes.

Marquand : ça veut dire quoi, en langage compréhensible par le commun des mortels ?

Dr Devaux : ça veut dire que l'agresseur l'a blessée à l'endroit où il est le plus insupportable pour une femme d'être blessée.

Elle lui a probablement enlevé la possibilité de donner à nouveau la vie.

La Peur du VideOù les histoires vivent. Découvrez maintenant