La Peur du Vide

Chapitre 23 - Passion à tous les étages

Alice fonçait les sourcils tout en marchant dans son bureau, sous les yeux un peu surpris de Victor.

- Bon sang Victor, mais qu'est-ce qui nous échappe dans cette affaire ? Qui pouvait en vouloir à cette femme au point d'organiser son meurtre ? Il y a préméditation, et le tueur a visé le cœur, comme s'il avait un message à faire passer. Ca ressemble à une exécution !

- Je ne peux qu'approuver... Qu'en pense le Commandant ?

- Oh, nous n'avons pas vraiment parlé hier soir.

Victor poussa un petit soupir entendu, levant les yeux au Ciel.

Alice rit doucement.

- Un problème Victor ?

- Non Madame le Juge, tout va bien. Vous et le Commandant, ça a l'air de bien se passer entre vous... J'en suis tout chamboulé d'émotion !

- Remettez-vous Victor, nous avons une enquête à faire avancer.

- Toute cette passion...

- Pardon ???

- Un coup de couteau en plein cœur, moi ça m'évoque la passion, précisa Victor.

- Oh, vous n'allez pas vous y mettre comme le Commandant ! Lui et son éternelle théorie du crime passionnel !

***

Tout guilleret, le visage rayonnant, Marquand traversa tranquillement le couloir de la Crim' qui menait à son bureau. Il se sentait furieusement bien, il sentait la vie déferler dans ses veines, il avait l'impression qu'il pourrait déplacer des montagnes.

- Salut Noah ! lança-t-il en entrant dans le bureau.

- Bonjour Chef ! Bien dormi ?

- Qu'est-ce que ça peut te foutre ? fut la réponse du Commandant, un sourire béat sur les lèvres.

- Tant mieux, moi aussi j'ai passé une bonne nuit Chef, merci !

Ils se dévisagèrent un instant, et dans leurs regards ils purent lire autre chose que les phrases piquantes qu'ils venaient d'échanger. Une sorte de confiance réciproque, cachée par leur orgueil d'hommes qui ne voulaient pas être démasqués dans leurs ressentis.

- Noah, J'ai repensé à notre enquête en cours, le meurtre d'Aude Faivre. Ca ressemble à un crime passionnel.

- Nonnnnnnnnn ? J'aurais jamais cru que vous diriez ça !

- Vas y fous-toi de ma gueule ! Je vais aller en parler à Madame le Juge.

- Pourquoi, vous ne l'avez pas encore fait ? Mais à quoi vous passez vos soirées ?

- Hum hum, secret de l'Instruction mon petit Noah !

S'approchant de son oreille, l'air taquin, il murmura :

- Tu ne peux pas imaginer ce que c'est, une femme qui réclame ton corps jour et nuit... J'espère que tu connaîtras ça une fois dans ta vie, petit ! Enfin, ça reste de l'utopie pour toi !

- Eh Chef, un jour je vous expliquerai que moi aussi je suis une arme de séduction massive ! Je rentre pas dans les détails j'ai trop peur de vous faire de la peine !

Marquand lui donna une tape derrière la tête.

- Allez, viens le tombeur, on va au Palais !

***

Marquand, entra dans le bureau :

- J'ai pensé au crime passionnel.

En voyant les trois autres essayer de cacher leur envie de rire, chacun plus ou moins discrètement, il leva la tête, surpris.

- Non mais ça va aller ou bien ? Qu'est-ce qu'il y a de si drôle à propos de ce meurtre ?

- Rien Commandant, lui répondit Alice... On venait d'en parler entre nous et on était parvenus à la même conclusion. Il faut donc chercher dans l'entourage de la victime, un amant ou quelque chose dans ce style...

- Allez Noah, on se bouge !! On repart sur le terrain, et on cherche un amant... ou une maîtresse... ou n'importe quoi d'autre. Madame le Juge, vous m'accompagnez au domicile de la victime pour une perquisition ? Une femme, ça garde toujours en secret un souvenir de ses aventures... On va finir par trouver !

- Vous avez de drôles de certitudes concernant les femmes et leurs amants, Commandant... C'est du vécu ?

- Comment vous dire Madame le Juge... Je l'ai appris à mes dépends... Par le biais de maris jaloux.

Il se frottait la mâchoire, probablement parce que ces souvenirs lui avaient rappelé une douleur oubliée. Alice préférait ne rien dire, elle savait que Marquand avait eu un passé féminin plutôt tumultueux, et ça n'était pas totalement surprenant qu'il ait eu des soucis avec des conjoints mécontents. Mais elle préférait ne pas en savoir plus. Une façon de se protéger, certainement.

Noah essayait de se retenir de rire mais l'envie de se moquer était forte.

Laissant Victor qui devait gérer différents dossiers à archiver, Marquand, Alice et Noah partirent jusqu'à l'appartement de la victime.

A un feu rouge, le Commandant et la Juge se retournèrent pour regarder Noah qui mangeait avec une satisfaction bruyante, des choux à la crème.

- Il a bien grandi notre bébé, hein mon Amour ! plaisanta Marquand.

- Tu sais parfois je doute qu'il s'agisse réellement de notre fils !

- Je ne sais pas ce qui te fait dire ça ? La couleur de ses yeux ?

- Bon, mes chers parents, le feu est vert, faudrait peut-être penser à vous montrer responsables et être attentifs au volant, au lieu de raconter n'importe quoi !

***

Dans tous les sens, sous le regard un peu absent de Mr Faivre, Alice et Marquand retournaient l'appartement, à la recherche d'un objet, d'une lettre, qu'Aude aurait pu garder et qui les mettrait sur la piste d'un éventuel amant éconduit.

Le mari de la victime disait ne pas comprendre, il était certain de l'amour inconditionnel de son épouse. Ils avaient même parlé d'avoir un bébé, hésitant seulement sur le bon moment pour mettre en oeuvre ce projet, car il risquait d'entraver la recherche d'emploi d'Aude.

Alice se sentait un peu mal-à-l'aise de fouiller l'appartement devant cet homme affligé devant lequel, de plus, on évoquait une liaison.

Noah était reparti interroger les habitants de l'immeuble, mais personne n'avait rien remarqué de spécial concernant des visites chez Aude Faivre.

Il décida de retourner voir la voisine qui avait entendu les cris et aperçu le meurtrier. Elle semblait s'être remise du traumatisme vécu la veille.

A tel point que, retrouvant Alice et Marquand au pied de l'immeuble, Noah laissa éclater son enthousiasme :

- Ouah, Chef, vous auriez vu comme elle m'a dragué la petite voisine ! C'était chaud ! Je crois que je vais y retourner quand l'enquête sera bouclée ! Pardon pour mon vocabulaire Madame le Juge !

Alice eut un petit sourire signifiant qu'elle l'excusait.

- En bien comme ça, ça sera à ton tour de me raconter tes nuis Noah !

- Otez-moi un doute Commandant, vous racontez vos nuits à Noah ?

- Et apparemment, ça a l'air chaud Madame le Juge !

Il éclata de rire, pendant que Marquand regardait ses pieds et qu'Alice hésitait entre le rire et une forme de désespoir...