Chapitre 110 : Résilience

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Alice se réveilla la première, le lendemain matin.

A côté d'elle, comme elle en avait rêvé plusieurs jours et plusieurs nuits, Marquand était là. Ce corps chaud contre lequel se serrer, en guise de tout premier geste de la journée, c'est ce dont elle avait besoin.

Comme chaque matin depuis le transfert des embryons, elle interrogea son corps et ses sensations. Aucune information fiable ne lui parvint. C'était peine perdue. Elle ne pourrait se fier qu'aux résultats de la prise de sang.

Un peu plus d'une semaine encore à attendre.

Une poussière, une éternité; ça dépendrait.

Comme chaque matin, elle pensa à cette femme. Elle se demanda si cette inconnue, loin en Finlande, comptait les jours tout comme elle le faisait ; si elle interrogeait son corps à la recherche de signaux attestant que les Moitiés-d'Eux s'étaient bien accrochées.

Alice se surprit à ressentir comme une vague impression de solidarité envers elle, même si elle trouvait que c'était un sentiment complètement inadapté.

Transfert des embryons le même jour, prise de sang pour le résultat douze jours plus tard...

Si elles avaient partagé la même chambre d'hôpital, s'il ne s'agissait pas de Moitiés-d'Eux volées, elle aurait pu devenir comme une compagne d'infortune, celle à laquelle on confie ses espoirs et ses craintes.

Pour cette femme, Alice n'espérait pas de mauvaise nouvelle. Elle ne lui voulait pas de mal. Elle aurait pu lui souhaiter d'être enceinte, si seulement ce n'était pas ses propres embryons qui étaient concernés.

Du bout des doigts, elle caressa le visage de Marquand, qui dormait encore profondément, certainement en train de récupérer de ses trois jours de tourmente à Barcelone. Elle suivit ses traits réguliers, l'implantation de ses cheveux sur sa nuque, le contour de ses lèvres.

Elle ne savait pas encore comment elle allait pouvoir le convaincre du choix qu'elle avait fait.

***

Le soleil était déjà chaud en ce matin d'avril, surlendemain du retour de Marquand.

Un peu comme si sa puissance voilait la tristesse des humains, qui se serraient, retenant leurs larmes du mieux qu'ils le pouvaient, regardant le cercueil descendre en terre, soutenu par deux cordes que tenaient fermement les employés des pompes funèbres.

Léa était tout devant, avec les parents de Noah.

Léa ne portait pas de noir, parce qu'elle n'aimait pas se conformer aux codes édictés par d'autres. Et ce jour-là, elle n'avait pas eu envie de modifier sa manière de faire, comme aucun des jours d'avant, ni de ceux qui suivraient.

Noah l'avait aimée telle qu'elle était, iconoclaste et anticonformiste. Et c'est ainsi qu'elle se présentait à lui pour lui dire Adieu.

Avec un jean, des baskets montantes de jeune-femme énergique, et un trench clair pour ne pas frissonner malgré la douceur de l'air.

La famille de Noah étouffait ses sanglots de manière digne.

Dressée face au soleil, Léa ne pleurait pas. Le temps des larmes avait été déjà suffisamment long, depuis l'instant où elle avait trouvé Noah dans le sous-sol de la clinique.

Elle se recueillait en silence, s'adressant à lui par la pensée, une dernière fois. Un Adieu bien sûr plein de tristesse, mais aussi empli de l'élan vital qui ne la quittait jamais.

Le corps de Noah allait être avalé par la terre, mais son esprit ne s'éteindrait pas, tant que des êtres qui l'avaient aimé seraient là pour perpétuer toute la joie qu'il avait à vivre.

La Peur du VideOù les histoires vivent. Découvrez maintenant