Chapitre 98 - Noah

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Léa lui parla, et puis elle essaya de serrer sa main, mais elle savait déjà qu'il ne répondrait pas, et qu'elle ne sentirait plus jamais la chaleur de cette main dans la sienne.

Alors elle se leva, recula doucement, ne pouvant quitter des yeux le corps inerte, comme si la distance qu'elle mettait entre elle et lui, rendait sa mort moins réelle, moins définitive.

Elle aurait aimé pouvoir s'enfuir, mais elle demeurait captivée par cette vision, comme prisonnière, malgré toute l'envie qu'elle avait de s'en défaire. Elle aurait aimé pouvoir courir loin, mais toute l'énergie, dans son corps et dans son esprit, était inutilisable.

Noah était mort, Noah avait été tué, comme elle l'avait redouté depuis l'instant où elle l'avait vu s'éloigner d'elle, pour entrer dans la clinique. Elle aurait du le suivre, elle aurait pu empêcher que ça arrive.

« Ou on serait morts tous les deux »

Cette réalité la figea un peu plus encore, mais la ramena dans le moment présent. Elle aurait pu courir le même danger si elle était venue. Ou alors elle l'aurait empêché d'aller jusqu'au bout ? C'était encore plus terrible de penser ça. Et de savoir qu'elle n'aurait jamais de réponse.

Qu'il ne lui resterait que la question, éternelle, et la culpabilité de ne pas l'avoir suivi.

Derrière elle, les deux hommes donnaient l'alerte à l'aide de leur talkie-walkie. Bien entendu, il n'était plus question pour eux d'intercepter Léa. Son comportement voyant et dérangeant dans la clinique n'avait plus aucune sorte d'importance par-rapport à la vision tragique qu'ils avaient face à eux : un homme était mort dans le sous-sol de l'établissement. Et cette femme avait probablement du le redouter et le ressentir, ce qui expliquait chacun de ses actes.

L'un des deux hommes essaya de poser quelques questions à Léa, mais elle ne connaissait que quelques rudiments d'Espagnol.

- « Mi novio » lui donnait-elle pour toute réponse.

Mais dans ce mot, l'essentiel était dit.

Celui qui, vivant, n'avait jamais osé se considérer comme tel serait, après sa mort, enfin appelé par le terme qui reflétait au mieux sa place dans la vie de Léa.

Noah était son fiancé. Il l'avait probablement été dès l'instant où il lui avait laissé le droit d'être libre de décider, l'attachant à lui par le plus subtil des liens, celui qui à ses yeux était primordial : le respect de ses choix de vie et d'amour.

Il l'avait été depuis ce moment-là, sans que vraiment les mots ne soient prononcés, mais ils le savaient tous les deux. Par jeu, par superstition, parce que leur relation était basée sur ce secret auquel ils faisaient semblant de croire, ils avaient avancé jour après jour, avec légèreté, et une petite pointe d'autodérision.

Fiancés, ils ne l'avaient jamais été, ils ne le seraient jamais, mais pourtant Léa savait qu'en perdant Noah, elle perdait le seul homme qu'elle aurait jamais envie de nommer de cette façon.

Regardant ce corps sans vie, Léa se sentit envahie d'une sensation de nausée, de vertige. Elle peinait à croire que ce qu'elle voyait était la réalité.

Mais au fond d'elle, elle savait déjà que c'était le cas, et qu'elle aurait tout le restant de sa vie pour l'admettre et l'assimiler.

Et pour lui rendre Justice, aussi.

***

Ils n'avaient jamais préparé clairement leur plan de fuite, car ils avaient toujours cru que leur activité de créateurs de Petits Anges passerait inaperçue, ou même resterait jalousement cachée par les gens qui étaient devenus parents grâce à eux.

La Peur du VideOù les histoires vivent. Découvrez maintenant