Alice ouvrit les yeux et s'étira. Tout contre elle, Marquand manifesta sa désapprobation d'être dérangé dans son sommeil.
Elle avait bien dormi, dans ses bras. Elle posa ses yeux sur lui et admira chaque parcelle de son corps. Elle caressa les plis dans la peau de son cou, sa peau si tendre.
Puis elle quitta le lit doucement. Il avait besoin de dormir encore, elle voyait qu'il était épuisé. Et elle sourit aussi en se remémorant que la nuit n'avait pas été de tout repos. Il l'avait comblée, et elle savait aussi qu'il avait tout aimé.
Elle s'approcha de la fenêtre, écarta le rideau et regarda la place qui sortait peu à peu de l'ombre en même temps que le soleil commençait à s'élever derrière les toits des élégantes bâtisses.
Une belle journée s'annonçait. Elle avait envie d'en profiter, d'être pour encore quelques heures une jeune-femme insouciante se promenant dans les rues avec son amant.
Elle posa sa main sur son ventre, en pensant à lui. Elle pensa que la vie pouvait parfois être cruelle, parce que quoi qu'ils fassent, quelque soit l'intensité dont ils feraient preuve dans leurs nuits d'amour, jamais l'espoir ne serait présent quand la fin du mois approcherait.
Jamais il n'y aurait une chance qu'une petite vie, née d'une de leurs étreintes passionnées, ne vienne se nicher au plus profond d'elle-même. Jamais elle ne vivrait cette délicieuse surprise de voir un second trait apparaître sur le test de grossesse qu'elle tiendrait dans sa main, Lui, penché sur son épaule, attendant avec Elle.
Les choses ne se passeraient pas ainsi, elle le savait. Il y aurait l'hôpital, il y aurait du monde autour d'elle, autour de lui. Le bloc opératoire pour elle, la petite pièce et la solitude pour lui. Des gamètes dans une éprouvette, avec le laborantin qui surveille pour confirmer qu'elles daignent se rencontrer. Si loin de Lui, si loin d'Elle, ces infimes parties d'eux-mêmes entreraient en contact, se reconnaîtraient, s'assembleraient.
Si loin d'eux, une vie à l'état crépusculaire débuterait, et personne ne saurait alors leur dire ce qu'il en adviendrait.
Cela lui paraissait surnaturel mais pourtant, la façon naturelle ne leur était plus accessible.
Il leur faudrait faire avec.
Le chemin serait difficile, empli de moment de doute, de déceptions, de sentiment d'injustice.
Elle regarda dehors. Jamais elle n'aurait pensé s'éveiller un jour à cet endroit.
« Et nous voilà, sur la Grand 'Place
Sur le kiosque, on joue Mozart...
Mais dites-moi que c'est par hasard,
Qu'il y a là, votre ami Léon.
Si vous voulez, que je cède la place...
J'avais apporté des bonbons »
Brel chantait dans sa tête ; c'était sa mère qui l'écoutait souvent, quand Alice n'était encore qu'une enfant. Elle avait été baignée de ses paroles. En tous cas, c'est ce dont elle avait l'impression de se souvenir. Cela faisait tellement longtemps maintenant...
Elle entrouvrit la fenêtre pour respirer l'air du petit matin.
Un autre avenir s'amorçait, entre cet homme endormi sur le lit derrière elle, et cet air frais qu'elle respirait à pleins poumons, un air neuf et vivifiant qui allait la pousser vers ce nouveau combat, avec toute la force dont elle aurait besoin.
Et Il serait là, en tous cas, tout ce qu'il avait dit et montré depuis qu'elle l'avait retrouvé, presque recueilli, lui permettait de l'espérer.
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La Peur du Vide
FanfictionFan-fiction faisant suite à la série Française "Alice Nevers, le Juge est une femme" (Suite de la saison 12 diffusée au printemps 2014). Alice Nevers est Juge d'Instruction à Paris. Elle mène une vie bien remplie, avec son fils Paul, de 5 ans, issu...