Chapitre 91 : Sa Rédemption

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Vert contre Bleu.

C'était bien plus qu'un camaïeu de pastels aux teintes apaisantes.

C'était quelque chose comme l'Océan contre la Mer.

Un arbre aux branches solides face à un ciel pâle de petit matin.

Une confrontation entre celle qui ne savait pas ce qu'elle attendait, et celle qui savait déjà qu'elle avait perdu.

Juliette traduisit :

- « Alice veut savoir pourquoi tu as osé venir jusqu'à Paris ».

Julia répondit par un seul mot, un prénom.

- « Frederik »

Il n'y avait rien à traduire, alors Juliette resta muette.

Un silence lourd s'installa.

Julia se remémora cet instant, quand il était rentré dans l'appartement, blessé, juste après être sorti de la sordide cave de la rue des Juifs.

Elle ne savait pas de quoi était faite sa vie. Elle se souvenait vaguement avoir entendu Juliette évoquer ses parents, divorcés, quand elle s'était présentée avec les autres colocataires, au moment de son installation à Berlin. Et quand le père et la fille étaient arrivés de Paris presqu'au milieu de la nuit, ils n'avaient que Matthias en tête. Pour eux, évoquer la situation de Marquand, sa fuite, ça n'avait aucune raison d'être, aucune nécessité. Alors naturellement ils n'en avaient pas parlé. Leur priorité, c'était mettre la main sur Dragan et les autres.

Julia l'avait vu, et elle l'avait voulu.

Plus qu'un choix conscient, c'était avant tout pour elle une évidence. De suite, elle avait ressenti ce sentiment grisant d'être portée, d'être unique, d'avoir des ailes. C'était encore mieux qu'avoir quinze ans et rougir quand le prof de maths, cet homme trop séduisant, la regardait et qu'elle s'empourprait pendant que ses copines, hilares, se moquaient gentiment.

Parce que quand « Frederik » avait croisé son chemin, ce jour de Mars, Julia n'avait plus quinze ans. Elle avait l'âge où les hommes que l'on veut peuvent devenir une réalité tangible.

Elle avait vingt ans.

Elle l'avait voulu, de toutes ses forces. De toute son âme et de tout con corps. Et il s'était laissé faire, s'offrant à ses caresses, sans l'interrompre, sans la repousser, sans lui dire.

Lui dire qu'à Paris, il avait des projets avec une Autre.

Elle s'était emparée de son corps et il avait pris possession du sien. Simplement doucement, violemment. Comme si chaque fois pouvait être la dernière, alors elle l'avait retrouvé encore et encore, ne s'endormant qu'une fois repue de ses caresses et couverte de sa sueur. Emplie de lui jusqu'au plus profond de son âme.

Le regard de Julia se voilà quand elle leva à nouveau les yeux sur Alice. Elle avait encore en tête chaque instant qu'elle avait passé entre ses bras.

Il ne lui avait pas dit qu'il avait quitté Paris à cause d'une dispute avec la femme qui comptait plus que toute autre.

Et que cette dispute avait une cause dont il était incapable de mesurer l'impact sur ses émotions. Un impact viscéral.

Cette dispute, c'était pour un enfant.

Comment expliquer à cette femme, assise en face d'elle, ce que toutes les deux savaient déjà du plaisir de se retrouver au creux de son lit ? Comment lui dire qu'elle avait vécu les mêmes moments qu'elle, dans les mêmes bras ? Elles avaient un point commun malgré elles : c'était Lui.

La Peur du VideOù les histoires vivent. Découvrez maintenant