Chapitre 38 : Histoire & histoires

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- Matthias...

Dragan planta son regard gris acier dans celui de Juliette. Même impressionnée, elle ne baissa pas les yeux. Elle était venue pour le retrouver.

A ce moment, Marquand comprit combien sa fille tenait à ce jeune-homme qui lui était encore inconnu. Il ne la connaissait pas sous cet angle, sa Juliette. Quand elle était partie pour Berlin quelques mois plus tôt, elle était encore si instable, elle aimait jouer de son joli minois pour faire tourner la tête des garçons autour d'elle.

En la voyant dans cette pièce sordide, en face de cet être qu'il avait envie de qualifier d'abject, lui tenir tête alors qu'elle devait être terrorisée, le père comprit que sa fille avait changé, avait grandi. Elle était amoureuse, pour de bon, et c'est cet amour qui lui donnait probablement le courage d'être là.

- Matthias... Poursuivit Dragan. Matthias est trop curieux. Un peu comme vous d'ailleurs !

- Où est-il ?

- C'est moi qui pose les questions ici. C'est pas parce que ton père est un putain de flic que tu dois croire que tu vas mener l'interrogatoire !

Juliette tressaillit quand elle comprit que Dragan était bien mieux informé qu'elle ne l'avait imaginé. Il savait donc que Marquand était flic. Elle traduisit les propos de Dragan pour son père.

- Matthias va bien, du moins pour le moment. Je n'ai pas encore décidé de ce que j'allais faire de lui. Ce sale petit fouineur en sait beaucoup trop à force de vouloir se mêler de ce qui ne le regarde pas.

Dragan accompagna ces dernières phrases d'un regard à faire frissonner. Juliette comprit que ces propos tombaient comme une sentence.

Matthias savait trop de choses.

Dragan lui avait fait comprendre qu'il le détenait.

Elle aussi savait déjà trop de choses.

Elle regarda son père.

Elle avait tellement envie de le protéger.

Dragan avait du comprendre qu'il ne parlait pas un mot d'Allemand ; si elle ne traduisait pas, peut-être qu'il pourrait encore rester hors de cette histoire.

- Űbersetz zu deinem Vater ! Lui ordonna Dragan.

Juliette ne voulait pas dire un mot de plus à son père. Traduire reviendrait à le mettre en danger lui aussi.

- Nein ! Répondit-elle avec véhémence.

Elle avait décidé qu'elle ne prononcerait pas un mot de plus en Français.

- Kein Problem, Juliette. Wie du wollst!

Dans un grand éclat de voix, le visage éclairé d'un sourire inquiétant, il cria un prénom.

- Gregor, komm !

Par une autre porte déboula un troisième homme, jeune lui aussi, mais moins blond que les deux autres.

Il les salua.

En Français.

Et il traduisit tout ce que Dragan lui demanda de traduire.

Juliette regardait la scène horrifiée. Elle avait cru pouvoir protéger son père, c'était son vœu le plus ardent après avoir compris qu'ils étaient tombés dans un piège.

A présent il en savait autant qu'elle, et le piège se refermait sur eux.

Elle ne savait pas encore quel serait le prix de leur silence.

La Peur du VideOù les histoires vivent. Découvrez maintenant