Chapitre 54 : La Capitale des Ducs (2)

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Ce baiser violent, violent de colère retenue, de passion inassouvie, du manque de l'autre qui avait été trop insupportable, se prolongea longtemps.

Les lèvres d'Alice, irritées par la barbe de Marquand, la piquaient. Ca n'était même pas désagréable tellement c'était bon de l'embrasser à pleine bouche. De sentir qu'il répondait à ses baisers, qu'il était là, que ses mains tenaient son visage pour mieux imprimer le rythme des mouvements de sa langue dans sa bouche.

Le goût du sang se mêlait à leur salive et donnait une teneur presque sauvage à ce moment où aucun d'eux deux ne maîtrisait réellement ce qu'il était en train de faire.

Si Marquand tentait de reculer pour reprendre son souffle, Alice le retenait par un soupir qui trahissait tout son désarroi à l'idée qu'il s'éloigne d'elle. Elle serrait le col de sa veste pour le rapprocher d'elle.

Quand Alice faisait mine d'éloigner sa bouche de celle de Marquand, il serrait encore plus fort l'étreinte de ses mains autour de son visage, et il reprenait possession de ses lèvres qu'il avait du quitter un trop long instant.

Il y avait une forme d'urgence presque primitive pour eux de se toucher, d'échanger ce baiser qui était au final tellement plus qu'un simple baiser.

C'était une sorte d'aveu. Bien au-delà de ce qu'ils ne pourraient jamais maîtriser avec leur esprit, leur capacité de réflexion.

C'était une sorte d'élan brutal et irrépressible qui les poussait l'un vers l'autre.

Enfin ils parvinrent à s'interrompre. Alice nicha son nez dans le creux du cou de Marquand, là où elle avait toujours aimé enfouir son visage après chaque moment difficile, quand elle avait besoin de se réconforter auprès de lui.

Elle se laissa envahir par la sensation d'apaisement, de plénitude qui s'empara d'elle.

Sentir son cœur battre dans sa poitrine, tout contre la sienne. Respirer au rythme de son souffle haletant. Passer sa langue sur ses lèvres pour y retrouver le goût de sa bouche, même le goût un peu âcre de son sang.

Savoir qu'il était là, après avoir été si loin, après avoir failli le perdre.

Quasi immobile, n'osant un mot ou un geste de peur d'interrompre ce moment de grâce absolue, de bonheur infini, Marquand serrait fort Alice contre lui, la berçant tout doucement pour l'apaiser, pour s'apaiser lui aussi peut-être en même temps.

Il avait eu si peur de ne jamais pouvoir à nouveau la serrer contre lui... Que cela dure quelques minutes ou que cela dure toute leur vie, il ne parvenait pas à se projeter plus loin que le moment présent, son menton qui piquait posé sur son épaule à la peau si douce. Silencieusement, sans sanglot, il laissa déborder des larmes d'émotion. Elles glissaient sous les plis de ses yeux cernés par l'épuisement, roulaient jusqu'à la commissure de ses lèvres où elles se mélangeaient aux quelques gouttes de sang qui coulaient encore tout doucement de son nez.

Le goût du sang, le goût des larmes.

Le goût des émotions fortes de la vie au final.

La preuve s'était imposée à eux sans qu'ils n'aient besoin d'y penser.

Leur attirance, évidente, physique, élémentaire, montrait que par-delà les obstacles, l'unité qu'ils formaient était plus que légitime.

Il s'agissait ni plus ni moins d'une évidence.

Toutefois, même les évidences ne débouchent pas forcément sur des situations faciles où rien ne serait à remettre en cause ni à discuter.

Et cette évidence-là, celle qui les illuminait de sa puissance indiscutable en ces instants, n'échapperait pas aux remises en question.

La Peur du VideOù les histoires vivent. Découvrez maintenant