Alice aussi voyait le regard de Marquand obstinément rivé sur un mystérieux point qu'il était probablement le seul à voir, loin là-bas sur la ligne d'horizon.
Ce petit rictus sur le coin de sa bouche, elle le connaissait ; il signifiait soit qu'il était tendu, soit qu'il était très ému.
Ou peut-être un mélange des deux en ces instants.
Elle ne savait pas tellement comment elle devait réagir, si elle devait s'approcher de lui et le sortir de son mutisme, ou si elle devait le laisser faire lui-même.
S'il avait besoin d'elle ou s'il préférait agir seul, pour cette première rencontre entre ses deux filles.
Mais elles n'étaient pas des Marquand pour rien, Juliette et Lucie. Elles avaient un caractère décidé et entier.
Pendant qu'Alice cherchait si elle avait ou non sa place pour intervenir auprès de cet homme si énigmatique et imprévisible, ses filles ne s'étaient pas posé autant de questions.
Marquand était leur père. Elles le voulaient près d'elles tout simplement.
- « Papa ? »
Il se retourna, un peu surpris, tiré brutalement de ses pensées.
Ses yeux brillaient mais toutes les personnes présentes dans la pièce firent semblant de ne pas le voir. Après tout, quelle importance cela pouvait-il avoir ?
- Bon, allez, se décida Juliette, la mine amusée. Je fais les présentations. Lucie, je te présente mon père.
Elle l'attira près d'elle, tout décontenancé, en le tenant par la main.
- Tu verras, il n'a pas l'air facile comme ça, il râle beaucoup, mais au fond il est toujours là quand on a besoin de lui.
- C'est curieux, poursuivit sa sœur aînée. C'est exactement la description du mien ! Mais... il ne serait pas... Comment dire... Pudique au point de passer beaucoup de temps à essayer de masquer ses sentiments ?
- Oh que si, tout pareil que mon propre père !
Elles se mirent à rire toutes les deux, sous le regard bienveillant d'Alice qui du coup, n'avait plus besoin de chercher sa place dans cette nouvelle configuration de la famille de l'homme qu'elle aimait plus que tout.
Marquand sentit bien la légère pression de la main de sa fille cadette sur son poignet. Une sensation physique plutôt agréable pour l'ancrer à l'instant présent, lui qui était déjà parti dans des questionnements et des scénarios où il devrait intervenir si ses deux filles manifestaient une quelconque hostilité entre elles.
Questionnements qui étaient sans fondements, il le constata quand il se retrouva entre elles deux, déjà complices pour lui prouver leur affection de la seule manière acceptable pour lui lorsqu'il n'était pas en simple relation duelle :
Par l'humour, par la subtilité d'une remarque ou d'un geste qui n'échappaient à personne, mais qui étaient suffisamment discrets pour ne pas exposer son émotion palpable aux regards trop curieux.
Respecter son immense pudeur pour laisser planer le doute sur l'intensité de ses sentiments, tout en lui prouvant qu'il avait été compris, et que sa volonté muette et implicite de ne pas être mis en situation de fragilité avait été prise en compte.
Marcher comme sur des œufs, montrer les choses sans les dire réellement : tout un art de communiquer « à la Marquand ». Art implicite, intuitif, qu'ils allaient pouvoir partager tous les trois, puisqu'ils avaient tant en commun.
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La Peur du Vide
FanfictionFan-fiction faisant suite à la série Française "Alice Nevers, le Juge est une femme" (Suite de la saison 12 diffusée au printemps 2014). Alice Nevers est Juge d'Instruction à Paris. Elle mène une vie bien remplie, avec son fils Paul, de 5 ans, issu...