Chapitre 70 - Sur le fil

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Jour après jour, les hématomes s'accumulaient sur les cuisses d'Alice. L'infirmière lui avait appris à réaliser elle-même ses injections.

Elle les faisait le soir, à son bureau, avant de rentrer chez elle.

Elle se souvint de la première fois, quelques jours auparavant :

Victor était présent, bien évidemment, car il restait tard, comme à son habitude, et comme le faisait également son oncle, toutes les années d'avant. Des fidèles parmi les fidèles, les Lemonnier.

- Victor... J'ai un service à vous demander.

- Mais oui Madame le Juge, tout de suite !

- Voilà... Je vais vous mettre dans la confidence. Je fais un traitement pour avoir un bébé.

Le visage du greffier s'éclaira.

- Oh je suis si heureux !

Il s'approcha d'elle, tout embarrassé comme à chaque fois que ses émotions et son enthousiasme se confrontaient à sa maladresse et sa timidité.

Les bras ballants le long du corps, avec les mains qui avaient envie de la plaquer contre lui pour l'embrasser comme il aurait embrassé une de ses sœurs.

Alice eut un sourire apaisant et elle s'approcha de Victor pour le serrer amicalement dans ses bras.

- C'est juste un essai Victor, on se calme ! Si ça se trouve ça ne donnera rien, ça ne marchera pas !

- Tss ! Tss ! Tss ! siffla Victor entre ses dents. Ca marchera, Madame le Juge, et je serai le parrain. Nous les Lemonnier, nous tenons à être les garants de toute votre descendance.

- Oh Victor... « Toute ma descendance », vous n'abusez pas un peu sur la quantité non ?

Le sourire désarmant de Victor s'étala sur son visage au regard débordant d'attention.

- Un bébé de vous et du Commandant... Ca ne pourrait être qu'une merveille de la Nature, non ?

Alice rit de bon cœur devant l'enthousiasme spontané de son greffier.

- En attendant, il faut que je me fasse ces fichues piqures tous les soirs. Victor, j'aurais besoin que vous gardiez la porte pendant que je m'en occupe. Vous connaissez les habitudes du Commandant qui entre toujours sans frapper... Je ne veux pas qu'il puisse me voir en train de faire ça.

- Mais il est concerné aussi ! Ne faites pas deux fois la même erreur Madame le Juge!

- Il est concerné évidemment, mais il n'est pas nécessaire qu'il connaisse les détails précis.

- Oui, approuva finalement Victor. C'est pas des histoires pour les hommes tout ça ; restons entre nous. Je vous servirai d'ange-gardien si c'est ce que vous voulez.

Alice sourit en remarquant la contradiction apparente dans les propos de son greffier. Mais lui, ne prêtait aucune attention à ces précisions qui lui importaient peu. Histoires d'homme ou de femme, il était là simplement en temps que présence protectrice, bienveillante.

Alice prépara la seringue, l'aiguille ; elle préleva le produit comme le lui avait montré l'infirmière la veille au soir. Elle vérifia le dosage : 1ml. Elle savait qu'il pourrait changer; cela dépendrait de la réaction de son corps.

Comme elle était en pantalon, elle dut le descendre un peu. Victor gardait la porte comme convenu. Etre à moitié dévêtue devant lui, c'était comme se mettre en pyjama le soir d'une sortie scolaire en classe de primaire : pas d'ambigüité, juste de la camaraderie.

La Peur du VideOù les histoires vivent. Découvrez maintenant