Alice savoura ce moment comme il se devait : comme un instant de grâce, comme un cadeau du Ciel.
Les mains de Marquand autour de sa taille ; son souffle dans son cou, la chaleur de son corps tout au long de son dos. Ses mains à elle qu'elle avait entremêlées aux siennes, posées sur son ventre.
Ce geste raviva le souvenir de ce qu'elle voulait lui dire, le jour de son rendez-vous avec le Docteur Rafaël. Mais elle se tut ; ça n'était pas du tout le moment de parler de ce projet, si toutefois ils avaient à nouveau l'occasion de l'aborder.
Ses doigts se posèrent sur les égratignures encore à vif de chacune des articulations des doigts de Marquand. Elle les caressa tout doucement. Elle avait su par Noah une partie de ce qui s'était passé, quand il était avec Juliette et les néo-nazis, dans la maison du 39 JudenStraße. Elle avait su qu'il avait frôlé la mort, qu'il avait du se battre, qu'il avait été frappé.
Il se laissa faire, s'imprégnant de l'imperceptible tendresse qu'elle mettait dans ce geste. Une caresse. Juste ses doigts qui effleuraient ses blessures, mais c'était quand même une caresse. Une caresse d'Alice sur sa peau malmenée. Il avait l'impression qu'il n'avait déjà plus mal, que ses plaies allaient guérir comme ça, presque par magie.
- Tu comptais aller jusqu'où, dans les histoires dangereuses et indignes, Fred ? Ca se serait arrêté quand, comment, si Noah n'avait pas été là ?
- Ca se serait arrêté tout seul, Alice. Ca s'est arrêté tout seul à l'instant où je t'ai téléphoné, cette nuit-là. Noah m'avait sauvé la vie le matin-même. Et moi j'ai sauvé mon âme le soir suivant.
Alice ne savait pas tellement que penser de cette phrase plutôt énigmatique. Elle choisit de rester silencieuse, pour ne pas gâcher la fragile magie de ce moment.
Desserrant l'étreinte des mains de Marquand autour de sa taille, elle se tourna pour lui faire face.
- Viens, Fred, je voudrais t'emmener quelque part.
Elle ébaucha quelques pas, se retourna pour voir s'il suivait.
Après un instant de surprise, il la rejoignit. Ils marchèrent côte-à-côte. Marquand ne savait pas trop comment se comporter. Ils avaient eu si peu l'occasion de se promener ensemble, depuis que leur amitié fusionnelle s'était transformée en vraie relation de couple passionnée, au moment du procès d'Alice. Les rares fois où ils avaient marché ensemble, il aimait passer sur ses épaules un bras protecteur. Mais là, il n'osait pas. Il avait peur de se faire rejeter.
Ils remontèrent l'avenue qui menait à la place Darcy.
C'était insupportable pour Marquand de marcher à côté d'Alice sans pouvoir ne serait-ce que l'effleurer. Alors délicatement, de sa main écorchée il frôla la peau douce de la main d'Alice. Elle ne se déroba pas. Il considéra cela comme une marque d'encouragement et il s'enhardit à caresser du bout des doigts le creux de sa paume. Puis il entremêla ses doigts aux siens, très doucement.
Toujours, cette envie de lui laisser le choix, de lui laisser le temps et la possibilité de s'opposer.
Mais elle ne se refusa pas. Elle laissa les doigts de Marquand se mêler aux siens. Et quand il resserra un peu son étreinte, elle resserra la sienne.
Il n'osa pas la regarder.
Avoir sa main serrée dans la sienne, c'était déjà beaucoup.
Il sentit son cœur battre plus vite.
Il sentait la Vie revenir en lui, dégeler son corps qu'il avait laissé s'engourdir sur le banc glacial de Berlin, la nuit de sa Rédemption.
Ils marchèrent silencieusement dans les avenues de la ville. Visiblement, à son pas assuré bien que léger, Alice savait où elle voulait aller. A son clocher, Marquand vit qu'ils s'approchaient d'une église. Venant d'Alice, il était un peu surpris mais il garda pour lui les questions qui lui venaient à l'esprit. Elle avait certainement de bonnes raisons de les conduire en ce lieu. Elle avait grandi dans cette ville...
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La Peur du Vide
FanfictionFan-fiction faisant suite à la série Française "Alice Nevers, le Juge est une femme" (Suite de la saison 12 diffusée au printemps 2014). Alice Nevers est Juge d'Instruction à Paris. Elle mène une vie bien remplie, avec son fils Paul, de 5 ans, issu...