Chapitre 82 : Ce mercredi d'avril

434 14 0
                                    


Alice frissonna. Dans le petit matin de ce mercredi d'avril, l'air était déjà lumineux mais encore frais.

Elle se souvint vaguement de quelques images inquiétantes qui avaient traversé ses songes cette nuit. Et puis Il était arrivé et Il avait tout chassé : les mauvais rêves, la peur. Elle avait dormi en paix, au creux de son ombre, s'allongeant en chien de fusil pour passer inaperçue, cachée par sa rassurante silhouette. Elle n'avait pas lutté contre le sommeil pour lui parler. Elle s'était juste laissé emporter et elle avait bien dormi.

Elle regarda autour d'elle, essaya de rassembler ses idées et ses souvenirs des derniers événements.

La prise d'otage, l'hyperstimulation diagnostiquée par le docteur Rafaël, et puis le sommeil qui l'avait terrassée. Les cauchemars et cette ombre indéfinie dans la nuit. La peur et le soulagement. Ou la peur après le soulagement ? La peur de quoi, au juste ?

Alice chassa cette question qu'elle jugeait sans importance. Des rêves étranges, elle en faisait souvent, et ça n'était pas le bon jour pour s'en préoccuper.

Aujourd'hui, c'était le mercredi tant attendu. Le jour de la ponction, le jour où la Rencontre aurait lieu. Loin de leurs corps, elle le savait et l'acceptait.

Mais près de leurs âmes.

Sa main caressa doucement le visage de Marquand, assis sur la chaise tout près d'elle, vaincu par le sommeil et endormi la tête posée sur son ventre.

Elle sourit malgré elle. Même épuisé lui aussi, même à fleur de peau comme elle l'imaginait, son réflexe avait été de protéger cette partie d'elle qui avait pris tant d'importance.

Elle profita des quelques minutes qui lui restaient avant qu'elle ne soit conduite au bloc pour la ponction de ses ovules. Son pouce jouait doucement avec la peau autour de ses lèvres. Elle sentit le picotement de sa barbe naissante sur son doigt. Elle aimait bien.

Elle s'amusa à déranger ses cheveux courts au-dessus de sa tempe. C'était bon de le voir dormir et de constater que ses traits étaient pour une fois détendus.

Elle se contorsionna pour glisser sa main sous sa chemise et caresser son dos, tout au long de ses vertèbres, en commençant depuis sa nuque. Il bougea un peu. Elle continua. La chaleur de sa peau contre sa main, elle aimait bien. Ca lui donnait l'impression d'être ancrée dans la réalité. Même en ce lieu, elle se sentait chez elle.

En fait, dès qu'il était là, elle avait le sentiment d'être chez elle, peu importait où elle se trouvait en réalité.

Elle caressa le bas de son dos en insistant un peu. Elle sourit quand elle le vit bouger un peu plus, et puis s'agiter dans son sommeil avant d'ouvrir brutalement les yeux.

- Alice !

- « Oui ? » répondit-elle en s'efforçant de prendre un air innocent.

- Tu n'es pas sérieuse ! Le médecin m'impose une semaine d'abstinence et toi tu profites de mon sommeil pour...

- Pour ?

- Je ne sais pas, moi ! Pour faire monter la pression ?

Il s'était redressé vivement, il était déjà à fleur de peau.

- Eh, Fred, détend-toi !

Un grommellement lui répondit. Alice avait envie de céder à l'agacement. Il était nerveux, certes, et il avait toutes les raisons de l'être. Mais comme souvent, il avait du mal à se maîtriser. Elle pensa aux événements de la veille, quand il n'avait pas pu s'empêcher d'essayer d'entrer dans le bureau de la psychiatre tant il avait besoin de s'assurer qu'elle allait bien. Il avait plutôt failli la précipiter directement au cœur du danger.

La Peur du VideOù les histoires vivent. Découvrez maintenant