Chapitre 7 - Les jeux sont faits

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Chapitre 7 - Les jeux sont faits


Un peu moins tendu, Marquand marchait dans les allées du Jardin des Plantes. Dans sa main, celle qui ne lui faisait pas trop mal, il tenait plusieurs cailloux qu'il s'amusait à lancer et ratrapper, un peu comme on joue aux osselets.

- Bon, avec ça, on devrait arriver à ne pas trop s'entretuer, se dit-il en regardant ses trouvailles.

Son portable sonna dans la poche de sa veste.

Noah : Commandant ! On a un SDF pendu sur les bras ! Le légiste dit qu'il faut qu'on vienne. D'après lui, il ne se serait pas pendu tout seul !

Marquand : balance l'adresse, je te retrouve.

Il regarda les cailloux dans sa main, hésita à les jeter, puis les fourra dans la poche de sa veste.

***

Noah : Bonjour Commandant ! Euh je sais pas si je dois vous dire mes condoléances pour la mère... Enfin bref la femme qui a élevé votre fille. Oh et puis non, pas de condoléances vu ce qu'elle a fait à Madame le Juge. Elle va bien, vous l'avez vue ?

Amusé, Marquand regardait Noah patauger en cherchant ses mots pour dire des choses qui le dépassaient. Il ne s'en sortait pas si mal.

Marquand : Noah, tu voudrais pas plutôt m'appeler « Chef» ?

Surpris, Noah leva les yeux au ciel, mordit dans une chouquette et répondit tout en mâchant.

Noah : Bref, si vous voyez Madame le Juge, embrassez-là pour moi.

Marquand le fixa de son regard clair et perçant :

Marquand : Non mais ça va bien aller, là ?

Noah : Oh c'est bon Chef, juste un petit bisou j'ai dit, je veux pas piétiner le territoire de vos plates-bandes !

Marquand : Bon, on peut bosser, là ? Qu'est-ce qu'on a, toubib ?

Le médecin légiste : Bonjour Commandant ! On a un homme d'une quarantaine d'années, il a été retrouvé pendu ce matin par deux SDF qui vivent sous ce pont. D'après eux, ils ne l'ont jamais vu avant, et ils n'ont rien entendu cette nuit. Faut dire qu'à eux deux ils doivent pouvoir pulvériser le record mondial d'alcoolémie. Bref, à première vue on pourrait croire à un suicide, mais non. Il a été tué ailleurs, probablement un coup fatal porté aux cervicales. Et le corps aura été transporté et pendu post-mortem. Heure de la mort vers 3 ou 4h00 du matin. Je vous confirme tout ça dans mon rapport d'autopsie.

Marquand : une idée de son identité ?

Noah : Non, on n'a rien retrouvé sur lui. Et le plus bizarre, Commandant, enfin Chef, c'est qu'il a été pendu avec une cravate qui ne va pas du tout avec le reste de son look. C'est une cravate qui provient d'un Casino de la région Parisienne. Une cravate de croupier.

Marquand : Ah oui, c'est plutôt bizarre. Bon, mon petit Noah, je te laisse chercher du côté du Casino pour voir si quelqu'un aurait signalé sa disparition, ou la disparition... d'une cravate ! Bref, je te laisse faire ton job et moi je file accomplir la sérieuse mission que tu m'as confiée.

Noah : Hein ? Mais de quoi vous parlez, Chef ?

Marquand (avec un sourire taquin) : Je vais embrasser Madame le Juge !

***

On frappa à sa porte. Alice se redressa dans son lit où elle somnolait encore l'instant d'avant.

Alice : oui ?

Marquand entra dans la chambre, la mine un peu piteuse mais les yeux pétillants.

Marquand : C'est votre Petit Poucet !

Alice le regarda, intrigée, et amusée aussi de le voir un peu mal-à-l'aise.

Alice : mon Petit Poucet ???

Marquand : Oui, regardez ! (il sortit les cailloux de sa poche)

Alice : Oh Marquand vous êtes...

Marquand : Je suis ???

Alice (riant) : un grand enfant !

Marquand (piqué au vif) : Est-ce qu'un enfant saurait faire ça ?

Lâchant les cailloux, il s'approcha d'Alice, prit son visage entre ses mains et l'embrassa avec toute sa fougue d'homme.

Comme lui seul savait le faire, songea Alice.

Elle trouva que c'était bon.

Marquand : pardonne-moi de m'être comporté comme un con !

Alice : pardonne-moi de n'avoir pensé qu'à moi.

Derrière eux, les faisant sortir malgré eux de la petite bulle d'intimité qu'ils venaient de se créer, une voix râleuse se fit entendre :

Une aide-soignante : Qu'est-ce que c'est que ces cailloux par-terre ? Vraiment on aura tout vu dans cet hopital !!!

Alice et Marquand furent pris d'un début de fou-rire qui laissa l'aide-soignante songeuse ; Alice essaya vite de se contenir car ça lui faisait mal au ventre. Mais en même temps, c'était tellement bon de déranger un peu l'ordre établi. Si bon de se faire prendre en flagrant délit de bêtise de gosse. Si bon de vivre quelques instants d'insouciance.

L'aide-soignante : Madame Nevers, je viens vous informer que le gynécologue, Docteur Rafael, va venir vous voir pour une consultation.

***

Au moment où le médecin entra dans la chambre, Alice eut une demande à laquelle Marquand ne s'attendait pas. Lui qui allait se mettre en retrait, laissant Alice gérer les choses qui la concernaient comme à son habitude, il fut surpris de la voir se tourner vers lui.

Alice : S'il-te-plaît, Fred, reste avec moi.

A cet instant, il ne savait pas trop si elle avait besoin d'une présence amie à ses côtés, ou si elle le demandait pour d'autres raisons. Mais il accepta spontannément et s'assit sur une chaise près d'elle.

Elle chercha le contact de sa main et il répondit à son appel, entrelaçant ses doigts avec les siens.

La Peur du VideOù les histoires vivent. Découvrez maintenant