Chapitre 108 : les liens du sang

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Ces hormones, dont tout son corps était encore inondé, parce qu'elle avait toujours un traitement à suivre, Alice les sentait déferler dans ses veines, lui donnant cette sensation bizarre d'être comme un peu étrangère à elle-même. Elle avait l'impression d'être en décalage avec ce qu'elle aurait du éprouver, et son réel ressenti. La colère aurait du être au premier plan, tout comme elle avait ressenti celle de Marquand quand elle lui avait parlé au téléphone.

Au lieu de tout cela, elle se sentait presque comme indifférente.

Ces Moitiés-d'Eux, là-bas en Finlande, elles lui paraissaient presque irréelles. Tout comme elle n'éprouvait pas de sentiment particulier pour celles qui étaient plongées dans l'azote liquide, sous l'oeil du Docteur Rafaël, ces deux autres, envolées loin d'elle, ne lui inspiraient pas beaucoup d'affect.

Les seules qui comptaient, c'étaient celles qu'elle espérait garder.

Elle aurait du avoir envie de crier ou de se battre. Dans son état habituel, Alice n'aurait jamais laissé cette situation injuste en l'état. Elle serait intervenue, elle aurait pris le premier avion pour Helsinki, elle aurait retrouvé ce couple, tout comme voulait le faire Marquand. Elle les aurait convaincus.

Convaincus de quoi, au juste ?

Alice sentit que là, résidait le cœur de tout le problème.

Quand Jacques rentra de sa promenade matinale, à laquelle il avait bien entendu convié son petit-fils, elle se prépara à avoir une discussion avec lui. Elle voulait connaître son avis.

***

- Commandant ?

Léa avait besoin de lui, plus que jamais. Elle craignait qu'après avoir obtenu cette information capitale que constituait l'identité du couple Scandinave, il ne parte immédiatement à leur recherche.

Elle ne doutait pourtant pas de la loyauté de Marquand envers son Lieutenant, pas plus qu'elle ne doutait de la bienveillance un peu maladroite dont il l'entourait, malgré le mal qu'elle se donnait pour ne pas paraître fragile.

Observant ses expressions tout au long de sa conversation téléphonique avec Alice, ainsi que pendant les minutes qui suivirent cet appel, elle essayait de deviner son état d'esprit. Ca n'était pas un exercice simple. Tout l'art consistait déjà à parvenir à le suivre du regard.

Silhouette instable, incapable de rester en place, parlant avec animation tout en ponctuant ses phrases de divers gestes de sa main libre, Marquand était presque un spectacle à lui tout seul. C'était difficile de se fier à son apparence, à ses éclats de voix, à ses silences, aux expressions de son visage. Il paraissait éprouver tout et son contraire dans la même minute.

Après avoir raccroché, Marquand s'était isolé quelques instants à l'écart des autres. Puis il était revenu, avec un air indéchiffrable. C'est ce moment qu'avait choisi Léa pour l'interpeller.

- Commandant ? Vous allez partir, c'est ça ? Vous allez à Helsinki ?

Marquand eut une seconde d'hésitation, son visage trahissant une légère surprise.

Et puis il sourit doucement en s'approchant de Léa. L'espace de quelques instants, il la serra dans ses bras un peu maladroitement, reculant ensuite, tout confus, avec un air embarrassé.

- Pardon Léa... Je ne sais pas quoi vous dire, mais non, je n'ai par prévu d'aller à Helsinki pour le moment. Je ne peux pas vous abandonner toute seule ici. Ce serait moche de ma part, et puis ce serait moche vis-à-vis de Noah aussi.

Léa sourit, mais c'était à travers des larmes de soulagement. Elle ne pleurait pas souvent pourtant, mais les épreuves subies mettaient à mal ses défenses habituellement si efficaces. Elle se sentait épuisée. Alors savoir qu'elle aurait encore près d'elle, pour quelques heures, cet homme imprévisible mais rassurant, ça lui permettait d'envisager l'avenir d'une façon un peu moins insurmontable.

La Peur du VideOù les histoires vivent. Découvrez maintenant