Chapitre 17 - Entre chien & loup

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Comme c'était mercredi, Paul n'avait pas école et dès que sa maman se fut allongée dans le canapé, fatiguée malgré tout par ce début de journée déjà bien entamée, il vint se blottir contre elle. Alice serra son fils dans ses bras. Elle respira son odeur de bébé dans ses cheveux. Elle n'avait jamais changé de marque de produit de toilette depuis sa naissance, et bien qu'il ait à présent cinq ans, cette odeur familière lui rappelait toujours chaque moment passé avec lui, à le serrer dans ses bras.

Son petit garçon, son bébé.

Sur la table basse, il y avait un bouquet de roses blanches que Jacques avait achetées le matin même, et de quoi grignoter : des toasts variés, des parts de gâteau au chocolat, également concoctés par Jacques et Petit Paul dans la matinée. Et une bouteille de vin rouge, un vin charpenté du pied du Mont Ventoux.

Jacques & Marquand avaient pris place dans des fauteuils face au canapé.

Tous se jetèrent sur le plateau préparé par Jacques et en profitèrent pour savourer tranquillement le breuvage corsé que Marquand avait choisi, sauf petit Paul qui sirota un jus de fruits. Ils trinquèrent au retour d'Alice, avec chaleur et simplicité.

Jacques annonça que sa maison de Dijon l'attendait, et qu'il repartirait le lendemain.

Il regardait Marquand et son attitude protectrice envers Alice & Paul. Depuis longtemps il avait confiance en cet homme, malgré son caractère emporté.

Il s'amusait de le voir presque gêné, timide, retenant les gestes que visiblement il mourrait visiblement d'envie d'avoir envers Alice. Il osait à peine effleurer sa joue d'une caresse tendre lorsqu'il passait près du canapé. Il retenait son besoin de la rejoindre et de la serrer dans ses bras.

Vraiment, il était temps pour Jacques de s'éclipser...

***

Marquand eut soudain besoin de prendre l'air. Même s'il avait été heureux de partager ce moment de retrouvailles avec Alice, son père et son fils, il avait un peu de mal à trouver sa place. Et puis il était homme de mouvement, profondément instable.

Il saisit sa veste, déposa un baiser léger sur les lèvres d'Alice, sur le front de Paul, et salua Jacques d'un geste de la main, prévenant qu'il reviendrait plus tard.

La nuit commençait à tomber.

Il aimait bien la nuit, son univers particulier, cette ambiance qui changeait lorsque les gens aux horaires de bureau rentraient chez eux, laissant la place aux autres : les veilleurs de nuit, les infirmières, les flics, les dealers, les gens bizarres, les paumés, les fêtards. Avoir passé des années en planque, luttant pour garder les yeux ouverts, lui avait donné le goût de ce monde parallèle, excitant et dangereux.

Parfois, il avait besoin de respirer de cet air-là, même s'il n'était pas toujours sain.

Parfois, on trouve son oxygène dans une atmosphère trouble.

Il marchait dans les rues, sans émotion précise.

Juste le plaisir d'entendre le bruit des ses pas sur le trottoir et de sentir sa tête se vider. Non pas qu'il ressentait un quelconque sentiment négatif.

Juste le besoin d'évacuer le trop-plein d'émotions qu'il avait vécues ces temps derniers.

Juste le besoin de se sentir libre ; de maîtriser le cours des événements de sa vie.

Juste avoir le choix d'aller à gauche, à droite, en face.

Rien de bien compliqué en somme.

Juste la liberté de choisir et non de subir.

La Peur du VideOù les histoires vivent. Découvrez maintenant