Chapitre 101 : Au pied du mur

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- Fred, calme-toi ! Tu es sur que ça va ?

- Hummmm ?

Marquand dormait, mais son sommeil n'était pas paisible. Il s'agitait, il prononçait des mots qui n'avaient pas de sens. Alice, qui avait réussi à s'endormir sans trop de difficultés à ses côtés, au début de la nuit, souriait de ses sursauts. Elle y était plutôt habituée. Il avait rarement un sommeil paisible. Il était nerveux jusqu'au coeur de ses rêves, c'était constitutionnel.

Mais là, Alice commençait à s'inquiéter. Ses phases d'agitation duraient plus longtemps qu'à l'accoutumée. Et puis d'habitude, il ne se débattait pas non plus de la sorte. Comme elle, il avait eu son compte d'émotions fortes au cours de la semaine qui venait de s'écouler. Mais Alice ne comprenait pas, justement, cette recrudescence d'agitation alors que les choses commençaient à se poser.

Il ne paraissait pas se calmer, bien au contraire, alors elle le secoua doucement par l'épaule parce qu'elle voulait qu'il quitte ce qui ressemblait à un cauchemar qu'il paraissait vivre très mal.

- Fred, lui dit-elle avec des sourires plein la voix. Tu te bats contre quoi ?

Marquand sursauta vivement, Alice le vit se frotter les yeux comme pour s'aider à reprendre ses esprits. Elle aimait bien ce geste machinal dont il n'avait pas conscience.

- Ca va aller, lui répondit-il de sa voix rauque.

Mais elle le connaissait assez bien pour sentir qu'il voulait dire exactement le contraire.

- Tu as des soucis ? Le travail ? Juliette ? Lucie ? Apolline ?

- Il s'agit de mes enfants, en effet. Il y a un problème.

Alice se redressa, immédiatement sur le qui-vive.

- Que se passe-t-il ?

***

Léa avait tenu tant qu'elle avait pu.

Le Lieutenant Velonzio lui avait permis de rester sur place tout au long de la perquisition à l'hôtel, et à la clinique. Bien sûr ils n'avaient pas pu retrouver le couple du Nord, mais les équipes de Police avaient récupéré de nombreux documents, sur papier ou sous forme de fichiers informatiques, qui permettraient de débuter l'enquête.

Ils avaient rapporté le tout au Commissariat Principal. Là, Léa avait bu un café, et avait même hésité à recommencer à fumer. Après tout, sa survie et sa santé ne la préoccupaient plus du tout pour le moment.

Avec les descriptions et les détails qu'elle avait apportés, un mandat de recherche contre Victorino et Manuel avait pu être lancé dès les premières heures de l'enquête. Seulement, leur arrestation n'était pas considérée comme prioritaire, car leur éventuelle culpabilité n'était pour le moment fondée que sur des présomptions et des déductions.

Et le seul témoin était mort.

Léa était mince, jeune, brune, vive comme l'éclair, pétillante de vie. Mais elle sentait une si lourde peine la retenir, la freiner.

Sur les marches du commissariat, elle avait pris le temps de s'asseoir et de se laisser imprégner par la douceur de la nuit, par le murmure incessant de la ville autour d'elle. Le bruit des voitures, des passants, le vent qui faisait frémir les feuillages, rien n'avait changé.

C'était peut-être ça, le pire : sa vie avait basculé en ce vendredi de fin du mois d'avril, et le monde autour d'elle semblait le nier, voire pire : il semblait s'obstiner, par sa puissante indifférence, à rappeler que tout cela n'était qu'un détail sans importance.

La Peur du VideOù les histoires vivent. Découvrez maintenant