Chapitre 45 - Rédemption

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Il se réveilla en sursaut au milieu de la nuit.

Seul, étendu dans le canapé, il pensa un instant qu'il avait rêvé, mais au fond de lui il savait bien que non.

Il n'avait pas eu le temps de réfléchir, de se questionner, il était allé jusqu'au bout de l'engrenage qui l'avait attrapé par la main et avalé tout entier. Il était allé tout au bout de sa fuite.

Il se connaissait pourtant, il savait jusqu'où il risquait d'aller. Il ne s'était pas suffisamment méfié de son pire ennemi :

Lui-même, avec ses démons, ceux qui l'accompagnaient depuis 47 ans ou presque.

Ces derniers mois, il avait pensé qu'avec la maturité, avec sa passion dévorante pour Alice, il en serait protégé pour toujours.

Il n'avait pas compris que cette passion le débordait totalement. Que rien ne gardait ses proportions normales quand il s'agissait d'Alice.

Toutes ses réactions avaient été aussi démesurées que son amour pour elle, depuis l'instant où il avait quitté le Palais en claquant la porte de son bureau.

Jamais il n'avait imaginé que sa colère le pousserait jusqu'à Berlin, qu'il frôlerait la mort avec sa fille, qu'un homme mourrait dans ses bras, qu'il se perdrait dans d'autres bras.

Il était allé au bout de lui-même. Cerné par ses démons, il leur avait tous cédé un par un :

La mauvaise foi, la colère, la fuite, l'alcool, le sexe.

Avec en filigrane, à chaque seconde, la sensation qu'Alice était auprès de lui, de mille façons différentes.

Dans les gestes tendres, dans les rires, dans les instants de grâce et de complicité.

Dans tout ce qu'il y avait de lumineux dans l'existence.

Et lui, il avait continué à s'enfoncer dans les ténèbres.

Il se leva, il se doucha.

Comme il avait eu besoin de se laver de toutes les horreurs subies dans la maison de JudenStraße, il avait à présent besoin de se nettoyer de tous ses démons, et notamment de celui qui l'avait rattrapé en dernier, celui qu'il avait pensé définitivement enfoui dès l'instant où il avait fait l'amour à Alice pour la première fois.

Son penchant pour les femmes, son penchant pour la séduction.

Cette petite Julia...

Il ne lui en voulait pas. Elle n'était pas plus fautive que lui. Elle l'avait frôlé, il avait cédé. Il s'était presque vu mort, il avait instinctivement voulu célébrer la vie.

Il n'avait pas d'excuse, il ne s'en cherchait pas d'ailleurs.

Au moment de son réveil brutal, il avait enfin compris.

Il était allé jusqu'au bout de lui-même et là il savait qu'il se trouvait à la fin de cette partie de son histoire.

Comment allait-il pouvoir passer à la page suivante ?

En sortant de la douche, il vit que toute sa peau était rouge. Sans s'en rendre compte, il s'était frotté avec vigueur.

Une manière un peu brutale de tenter de se débarrasser de souvenirs qui allaient longtemps lui coller à la peau.

Ca le brûlait un peu quand il passa sa chemise.

C'était peut-être le début du prix à payer pour avoir le droit d'avancer.

La Peur du VideOù les histoires vivent. Découvrez maintenant