La Peur du Vide

Chapitre 75 - Leur jour le plus long - Partie 1

Un tribunal.

Tout ce qu'il voyait depuis quelques minutes évoquait à Fabien un tribunal.

C'étaient des souvenirs très pénibles pour lui. Bien sûr, ils n'étaient pas très précis, ces souvenirs. Il y a dix ans, quand il avait été propulsé, sous bonne garde, dans la grande salle boisée du Palais de Justice, il était dans un état second, entre incrédulité, abrutissement, et même la terrifiante sensation d'être deux personnes à la fois.

Il avait entendu le récit de ce qu'il avait commis, lorsque l'avocat de la défense avait pris la parole. Il n'était pas certain d'avoir fait toutes ces choses horribles que l'on dévoilait devant l'auditoire, mais au fond de lui il en gardait un vague souvenir, presque irréel.

Les Jurés avaient le visage tendu. Après le verdict, il y avait eu un moment de flou. Son avocat lui avait expliqué qu'il avait été reconnu pénalement irresponsable de ses actes.

Ca n'était pas une mauvaise nouvelle en soi, puisque sa culpabilité, même reconnue, ne serait pas suivie d'une peine de prison. Mais son état mental imposait une prise en charge psychiatrique à la demande du Préfet, et donc sans que son consentement ne soit pris en compte. Et, contrairement à une peine de prison, on ne connaissait pas sa durée. On ne savait même pas si cet internement aurait une fin. Peut-être qu'il y resterait le restant de ses jours, lui avait expliqué son avocat.

Les années avaient passé. Les démons de son esprit s'étaient assagis, muselés par les traitements. Tous les ans, comme il en avait la possibilité, il demandait les expertises psychiatriques qui pourraient conclure que son état de santé mentale était compatible avec une sortie définitive de l'établissement de soins.

Mais tous les ans, les experts rendaient les mêmes conclusions. Aucun ne voulait prendre le risque de mettre fin à son hospitalisation.

Pourtant, Fabien se sentait bien, depuis plusieurs mois. C'est pour ça qu'il avait choisi de stopper ses traitements. L'esprit libéré du carcan de flou imposé par les médicaments, il s'imaginait à même d'organiser son évasion.

Et il en aurait probablement été capable, si Romain ne s'était pas mêlé de tout ça. Lui qui n'était là que depuis quelques semaines, lui qui certainement serait sorti bien avant lui.

Il lui en voulait terriblement, en ces instants.

Parce que pendant que Romain avait trouvé le moyen de sortir d'ici, lui, Fabien, se retrouvait à nouveau devant une psychiatre et une juge.

Exactement comme il y a dix ans dans le tribunal.

***

- Léa ?

- Noah ? Mais tu fais quoi, chez nous en pleine journée ?

Le Lieutenant de Marquand arborait un grand sourire. Il savait bien que ça n'était qu'une façade, mais il ne voulait pas que Léa puisse s'en apercevoir.

- J'en ai marre de la grisaille de Paris. Tu dirais quoi si on partait faire un petit voyage à Barcelone, rien que tous les deux ?

Léa sourit à son tour, et se jeta dans les bras de celui qu'elle appelait en riant « son amoureux ».

- C'est un peu fou comme projet, mais j'adore ! On part quand ?

Noah sourit à l'enthousiasme de Léa.

- En fait j'ai déjà les billets d'avion... On décolle demain matin.

- C'est une belle surprise... Je me demande si je ne vais pas finir par t'adopter, toi !