Chapitre 77 : Leur Jour le plus long - Partie 3

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De tout ce qu'ils avaient en commun, il y avait notamment un trait de caractère qu'ils partageaient sans discussion.

Leur côté sanguin, instinctif.

Marquand fonctionnait comme ça depuis toujours, et même s'il en avait pris, des portes dans la figure, des remontrances de la part de ses supérieurs, et également quelques coups qu'il n'avait pas volés de la part de maris jaloux, rien, jamais, n'avait pu modifier son approche Méditerranéenne et parfois brutale, des différentes problématiques.

Pour Alice, d'apparence plus posée, plus mature dans son comportement, ou un peu moins impulsive, il en était pourtant de même. Elle aimait écouter son ressenti profond, se faire sa propre opinion et ses propres expériences. Elle agissait comme son instinct le lui dictait. Elle se voulait indépendante de l'avis des autres aussi.

Elle n'avait pas toujours su prendre les bonnes décisions, elle le savait, mais elle avait été capable de mener à bien les choix les plus difficiles de sa vie :

Dans le hangar, quand elle avait suivi Mathieu se faisant passer pour son greffier, prête à partir au bout du monde avec lui et leur fils, son instinct lui avait crié « non » alors que toute sa raison voulait lui imposer un « oui » qu'elle croyait réfléchi et mûri.

Et, malgré les menottes aux poignets, et le regard lourd de Divo, quand sa bouche avait rencontré celle de Marquand, quand elle avait senti contre ses lèvres le contact rugueux de sa barbe de quelques jours, elle avait su que son instinct lui avait dicté le bon choix. Que c'est dans la chaleur des bras de cet homme qu'elle voulait se réfugier, qu'elle voulait perdre pied. Ce jour-là, et tous les autres aussi.

Et, malgré la froide colère dont elle était envahie quand elle l'avait retrouvé sur le quai de la gare de Dijon, malgré son esprit qui tentait de la persuader qu'elle ne voulait plus jamais avoir de lien avec cet homme qui lui avait été infidèle, elle avait pu compter sur son instinct pour lui crier « Non, ne le laisse pas partir ; tu peux oublier tous les hommes de la terre, mais pas lui ».

Il y avait ce qu'il avait fait, sa faute inacceptable.

Et il y avait ce qu'il était, cet homme insaisissable dont elle savait qu'il lui était pourtant indispensable.

Assise sur la chaise, la lame contre son cou, Alice faisait de toutes ses forces appel à son instinct. A ce qu'elle ressentait au plus profond d'elle-même. Elle cherchait à comprendre cet homme qui la menaçait.

Bien sur elle n'essayait pas de savoir ce qui se passait dans sa tête, elle savait que ça n'était pas possible, qu'ils étaient trop différents. Mais elle tentait de comprendre les sentiments qui l'animaient.

Derrière elle, quand elle avait parlé, elle avait senti que Fabien Vauban s'était brusquement tendu de tous ses muscles.

Un homme sur ses gardes, évidemment. Un homme à l'affut. Il avait tué, il y a dix ans, dans des circonstances glaçantes, guidé par un délire de persécution. Et il avait probablement tué aussi cette nuit, malgré une décennie passée à avoir un comportement irréprochable.

Que pouvait ressentir cet homme ?

Et quel intérêt avait-il à la garder en otage, alors que jusqu'à présent son seul besoin semblait avoir été celui de donner la mort, de manière sanglante ?

Alice sentit qu'avec cette dernière question, elle avait trouvé une piste qu'elle allait tenter d'exploiter.

***

- Il faut faire quelque chose !

Marquand faisait les cent pas dans le couloir, sous les yeux presque agacés de la psychiatre.

La Peur du VideOù les histoires vivent. Découvrez maintenant