Chapitre 74 : La Peur du Vide (Partie 4)

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- Noah, c'est possible d'aller chercher le psychiatre responsable du service ?

- Bien sûr Madame le Juge.

Le corps de Marie venait enfin d'être emporté pour l'IML, Alice sentait un peu moins mal-à-l'aise, et elle essayait de reprendre ses esprits. Faire son travail, le faire du mieux qu'elle le pouvait, ça l'avait toujours sauvée, ça lui avait toujours maintenu la tête hors de l'eau.

Et aujourd'hui encore une fois, elle en avait plus que besoin.

Noah revint quelques minutes plus tard avec une personne qu'il présenta comme le médecin référent de l'unité.

- « Dr Muller, psychiatre »

Il s'agissait d'une femme du début de la cinquantaine, de haute taille et à l'air particulièrement assuré. La vraie carrure d'un chef de service.

Alice lui proposa de s'asseoir sur le fauteuil près d'elle.

Marquand et Noah étaient partis interroger les membres de l'équipe de nuit qui avaient découvert le corps. Ils voulaient recueillir leur témoignage rapidement, de manière à ce qu'ils puissent enfin aller dormir après cette nuit éprouvante.

- Madame le Juge... Un de mes patients m'inquiète particulièrement. Il est hospitalisé ici sans son consentement depuis environ dix ans, suite au meurtre de sa compagne. A l'époque, la Cour Pénale l'avait jugé irresponsable de ses actes.

- Comment l'avait-il tuée ?

- Il lui a tranché les carotides, au cours d'un premier épisode de bouffée délirante aigüe. Dans son esprit, elle était devenue le Mal, une persécutrice. Lui-même n'a jamais pu l'expliquer.

- Et à présent, c'est quel genre de patient ?

- A l'Hôpital, une fois la crise passée, même si elle a duré plus d'un mois, il a toujours eu un comportement adapté. Jamais de violences ni même d'épisodes inquiétants. Il était bien stabilisé par le traitement. J'ai du mal à comprendre sa rechute, Madame le Juge. Vous allez pouvoir l'interroger, j'imagine que c'est ce que vous souhaitez me demander.

Le courant passait bien entre elles deux. Deux femmes de caractère, aux carrières gratifiantes, à l'allure assurée et professionnelle. Elles sentaient que leur collaboration dans cette enquête ne pourrait être que fructueuse.

Un petit temps de silence s'installa entre elles tandis qu'elles réfléchissaient avec intensité aux suites immédiates de l'enquête.

- Et sans vouloir m'imposer, Madame le Juge... Vous ne pensez pas que vous auriez besoin d'un peu de paracétamol ?

Alice suivit le regard de la psychiatre. Il était posé sur son ventre, attentif à sa gestuelle inconsciente qu'elle avait spontanément adoptée pour se soulager : se masser continuellement pour atténuer les sensations désagréables qui ne cessaient pas.

- En fait, je ne sais pas si je peux prendre des antalgique.

- Je ne pense pas qu'ils soient contre-indiqués.

- Mais vous ne connaissez pas mes antécédents, s'exclama Alice.

- J'en sais assez pour me permettre de vous dire que ça ne sert à rien de souffrir ni de vous épuiser ; que ce n'est pas ça qui vous apportera le résultat que vous souhaitez. Que ce n'est pas parce que vous avez mal, que vous rachèterez ce dont vous vous sentez si coupable.

Alice la considéra avec surprise.

- De quoi parlez-vous ?

- De votre attente. De votre peur du vide.

La Peur du VideOù les histoires vivent. Découvrez maintenant