Chapitre 87 : Ames perdues

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Malgré son épuisement, Alice ne trouvait pas le sommeil. Elle avait envie que Marquand soit près d'elle, mais en même temps elle ne pouvait occulter le fait qu'il en tenait une autre dans ses bras à peine plus tôt : il y avait encore son parfum sur sa peau.

L'idée que sa propre odeur se mêle à celle de Julia et de Marquand, ça la révulsait. Mais en même temps, si elle avait pu sentir ce doux parfum dans son cou, c'était parce qu'il avait pris la peine de venir tout lui expliquer avant même qu'elle n'ait l'opportunité de se questionner. Il était allé au devant de ses interrogations, y répondant avant qu'elle ne les formule, même si ce moment l'avait mis très mal-à-l'aise, elle l'avait senti. Se dévoiler avait toujours été si difficile pour lui.

Ca rendait sa tentative d'explication presque touchante.

Il ne lui avait pas caché qu'il y avait eu cette jeune-fille dans ses bras à Berlin. Il le lui avait dit dès son réveil brutal au milieu de la nuit, dans la grande ville Allemande, lorsqu'il laissait le froid s'insinuer dans toutes les fibres de son corps, rongé par le remord, au tout début de sa Rédemption.

Il n'était pas entièrement responsable du fait que cette gamine ait cherché à le retrouver. Alice l'admettait sans mentir : Marquand n'était pas le genre d'homme qu'on oublie facilement, et sur aucun plan.

Elle-même était bien placée pour savoir quel effet il produisait sur les femmes. Et combien de stratagèmes incohérents elle avait pu inventer pour l'approcher dans les moments où elle le sentait trop loin, ou accaparé par d'autres.

Par bonheur, et probablement parce qu'il y avait quelque chose d'unique entre eux, elle ne l'avait jamais perdu malgré tous leurs moments d'errance. Même Mathieu ne les avait pas séparés, même son indécision, même Rachel.

Pouvait-elle imaginer sa vie sans lui ?

Elle essaya un instant. Très vite, elle arrêta.

Elle ressentait une déplaisante impression de vide.

***

- Fred, tu me donnes le tournis, tu ne veux pas rester assis deux minutes ?

Jacques ne savait pas comment faire pour qu'il tienne en place. Depuis qu'il était ressorti de la chambre, Marquand allait du canapé au fauteuil, du fauteuil à la cuisine, de la cuisine à la fenêtre, scrutant la cour. On aurait dit qu'il cherchait quelqu'un, ou quelque chose ; ou qu'il luttait.

Peut-être luttait-il contre l'envie de fuir, ce besoin si impérieux auquel il avait toujours eu tant de difficultés à résister.

Jacques aurait bien aimé que Juliette soit là pour le calmer, surtout qu'il n'était pas certain d'avoir parfaitement saisi tous les derniers événements. Matthias ne l'aiderait en rien, et Paul, même très intuitif et avec ce talent pour comprendre les langues étrangères que développent les enfants encore petits, n'avait tout de même pas les capacités d'expliquer de quoi il retournait.

« Elle est venue ».

Dans ce « elle », on entendait tant de menaces.

- Fred ?

La voix de Jacques finit par résonner dans l'esprit de Marquand, l'arrêtant pour quelques secondes dans son instabilité structurelle.

- Oui, Jacques ?

- Paul a dit « elle est venue », et Juliette a bondi de son fauteuil pour vous retrouver. Ce «elle », c'est cette jeune Allemande ou je me trompe ?

- Oui Jacques, c'est « elle ». Je ne savais pas... qu'elle allait venir jusqu'ici pour me retrouver.

- Tu ne parais pas être un homme qu'on oublie facilement, Fred. Même ma fille... elle a renoncé à Mathieu pour ne pas te perdre. Rachel n'a pas réussi à vous séparer et pourtant, avec ce qu'elle a fait, Alice aurait pu se détourner de toi. Et je ne parle même pas de ton escapade berlinoise.

La Peur du VideOù les histoires vivent. Découvrez maintenant