Chapitre 25 - Protection rapprochée

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Léa Rameaux fut un peu surprise de leur visite. Quand Marquand lui eut expliqué la théorie imaginée par Alice, elle pâlit et dut s'asseoir.

- Vous pensez que c'est moi qui étais visée ?

- C'est une hypothèse en effet, expliqua Marquand. Et nous devons l'explorer pour votre sécurité, et aussi pour les besoins de l'enquête.

- Nous allons donc vous poser de nouvelles questions, car à présent de nouvelles pistes sont à suivre !

Noah et Marquand commencèrent à l'interroger, en cherchant à connaître son mode de vie, et si elle avait des ennemis potentiels. La jeune femme ne se sentait pas menacée. Certes elle menait une vie de célibataire plutôt trépidante, sortant souvent, fréquentant les bars et les boîtes de nuit.

- Je suis jeune et pour le moment je profite de la vie ! Je travaille le jour, je vis la nuit.

Elle faisait aussi pas mal de rencontres masculines et s'en amusait.

Marquand nota qu'elle avait le même gabarit que sa défunte voisine. La piste d'Alice était plausible.

- Vous pensez qu'un amoureux éconduit aurait pu...

- Je ne crois pas... En général les choses sont claires avec les différents hommes que je rencontre. Je n'ai pas envie d'une relation stable pour le moment. Ces rencontres c'est pour le fun !

- Si jamais quelque chose vous revenait en mémoire, avertissez-nous rapidement, lui conseilla Marquand. Nous allons laisser quelqu'un pour votre protection pendant quelques jours, le temps d'affirmer ou non notre hypothèse.

- Je peux assurer la planque cette nuit, Chef !

- Parfait Noah ! Mlle Rameaux, le lieutenant Diacouné assurera votre surveillance jusqu'à demain matin.

Les yeux de la jeune femme pétillèrent mais Marquand fit semblant de n'avoir rien vu.

Ils quittèrent l'appartement et retournèrent à la Brigade le temps d'organiser la planque, et pour que Noah prenne une voiture banalisée, ainsi que quelques denrées variées afin de passer au mieux la prochaine nuit.

Marquand appela Alice pour la tenir informée des suites de l'enquête et elle approuva les décisions qui avaient été prises.

- Alors on se retrouve « chez nous », Alice ?

- Oui, « chez nous », j'aime bien quand tu dis ça.

***

La nuit tombait doucement. Noah allumait le moteur de sa voiture à intervalles réguliers pour se réchauffer. Il avait aussi sa thermos de café et diverses victuailles, de quoi passer la nuit et garder les yeux ouverts.

Tout était calme, il pouvait écouter de la musique sur son MP3. Il était en train de fredonner les paroles de « gare au gorille » de Brassens, chanson qu'il appréciait particulièrement, attentif à l'humour potache et second degré du chanteur. Sur sa playlist viendraient ensuite Indochine, Eminem, Brel, ou même un peu de rap. Il aimait bien mélanger les genres et prendre le meilleur de tout. Une musique différente pour accompagner chacun de ses états d'âme.

Ce qu'il n'avait pas prévu, c'est l'apparition d'un visage tout souriant devant sa vitre, le faisant sursauter. Léa Rameaux toqua du doigt contre le pare-brise. Noah baissa la vitre.

- Lieutenant, vous me faites mal au cœur tout seul là dans le froid... Montez chez moi boire quelque chose de chaud !

Un peu surpris, Noah se ressaisit et accepta l'offre. Après tout, cette jeune femme n'était pas une suspecte mais une potentielle victime dont il devait assurer la protection. Il ne commettait donc pas d'entorse au protocole.

Il sortit de la voiture et suivit Léa jusqu'à son appartement.

C'était joli chez elle, beaucoup de décorations de couleurs vives qui correspondaient bien à son sourire pétillant. De la gaieté, de la joie de vivre, de la simplicité.

Ils s'installèrent sur le canapé, burent un thé bien chaud, grignotèrent des petits gâteaux en parlant joyeusement.

D'abord de l'affaire. Puis, d'eux. De ce qu'ils aimaient faire, lire, écouter.

Les confidences se firent plus personnelles.

Les gestes, plus doux.

Les yeux, plus brillants.

Et les corps, plus proches.

***

Marquand rejoignit Alice et Paul dans leur appartement.

Il sourit en les entendant rire tous les deux dans la salle-de-bains. Paul sortait tout juste de l'eau et sa maman le frictionnait avec une grande serviette toute douce, profitant de ce moment pour le chatouiller.

- Mon petit garçon est tout propre ! Tu sens bon mon petit cœur !

Il nicha son nez dans le cou de sa mère, visiblement aux anges. Il leva les yeux et vit son parrain.

- Fred ! Tu es revenu, je suis content de te voir moi !

Il se jeta dans ses bras.

- Toi aussi mon Paulo !

Serrant le petit garçon fort dans ses bras, il tendit une main à Alice pour qu'elle s'approche de lui. Il l'embrassa délicatement, s'écarta d'elle quelques instants avant de l'embrasser de nouveau plus longuement.

Il essuya tendrement quelques gouttes de sueur sur le front d'Alice ; il faisait chaud dans la salle-de-bains, et elle avait les deux hommes de sa vie tout contre elle.

Marquand se sentait bien, dans la chaleur de leur foyer, entouré par les bras accueillants de celle qu'il aimait, et de son petit garçon.

A l'heure où la nuit suscite l'angoisse, la peur, c'était tellement rassurant de se savoir attendu dans un appartement chaleureux, à l'abri du monde extérieur et de tout ce qu'il pouvait compter comme laideur.

Autant Marquand aimait à certains moments arpenter les rues la nuit, cherchant la solitude, autant à d'autres il avait besoin de se réfugier dans ce foyer où il était attendu et aimé.

Alice avait bien compris la complexité de son caractère et elle s'y adaptait d'autant mieux qu'il acceptait lui aussi toutes les variations de ses humeurs et de ses envies.

Ils passèrent une soirée toute douce, à dîner tous les trois en bavardant gaiement.

A se relayer au bord du lit de Paul pour l'histoire du soir.

A se retrouver dans l'intimité de leur lit pour s'enlacer, se serrer, s'embrasser, se désirer, se chercher, se trouver, et s'abandonner dans un soupir de plaisir partagé.

A se parler tout doucement, sans trop chercher de choses importantes à se dire, juste pour le bonheur d'entendre la voix de l'autre et de savoir qu'il était là, attentif, présent.

Que ce corps que l'on serre comme si on avait peur de le perdre, appartient à un être unique et indispensable.

Que rien n'appartenait au hasard car c'était tout sauf le hasard qui les avait réunis. C'était leur choix le plus abouti, c'était leur attirance pour ce que chacun d'eux était.

Blotti dans les bras d'Alice, la tête reposant sur sa poitrine, Marquand ne pouvait rêver un moment plus agréable. Bercé par sa respiration calme, le visage calé entre ses seins, il se laissait aller à rêver pendant qu'elle caressait amoureusement sa joue sous sa barbe naissante.

- Et dire que pendant ce temps, ce petit con de Noah se les gèle dans la voiture au pied d'un immeuble, conclut-il.

A tort ou à raison.


La Peur du VideOù les histoires vivent. Découvrez maintenant