Chapitre 30 : Se heurter à des murs

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- Papa ?

La voix de Juliette fit revenir son père sur Terre, en tous cas le tira de ses pensées.

- On va aller à Berlin, Juliette. On va retrouver ton Matthias.

- Euh ? Tu es sûr de toi, là ? Tu n'oublierais pas un peu de me raconter ta part de l'histoire ?

Marquand héla le serveur et commanda un whisky. En plein milieu de l'après-midi. Juliette le regarda mais préféra ne rien dire. Elle connaissait son père. Chaque seconde avec lui était un fragile équilibre et un rien pouvait le mettre en péril.

Marquand avala une longue gorgée du liquide fort.

Il attendit que la sensation de brûlure descende dans sa gorge, se répande dans ses veines. Que la réalité s'éloigne ne serait-ce qu'un peu, afin de lui apparaître avec moins de brutalité. Afin d'avoir moins mal, rien qu'un peu.

- Je ne sais pas par où commencer, Juliette.

- Ben peut-être par le début ?

- Ou bien par la fin...

Il prit une longue inspiration. Une seconde gorgée de whisky.

- Je ne peux pas te dire de venir chez moi, Juliette... Parce que je n'ai plus de chez moi.

Juliette eut une expression de surprise.

- Tu m'inquiètes papa, explique-moi !

- Je vivais avec Alice, chez elle et avec Paul.

Le visage de Juliette s'éclaira l'espace d'un instant. Elle avait tellement espéré que ce jour arrive. Elle avait tant vu son père ne penser qu'à elle, ne respirer que pour elle, même s'il ne l'avait jamais admis. Mais visiblement les choses étaient compliquées.

- Mais ce n'est pas possible de vivre avec Alice, je viens de partir de chez elle.

Juliette soupira.

- Papa... Ca fait des années que vous vous cherchez... J'apprends que vous vous êtes enfin trouvés... mais que vous n'êtes même pas capables de vous garder ! Vous êtes plus immatures que des ados !

Marquand donna un coup de poing sur la table, le visage plein de colère.

- Juliette ! On n'est pas des ados ! On parlait d'avoir un bébé ensemble, mais elle a tout foutu en l'air !

- Un bébé ?

- Je ne peux pas te raconter, c'est trop récent, trop dur. Et puis je dois encore te parler du reste, et c'est difficile aussi.

A nouveau il prit une longue inspiration, et une nouvelle gorgée de whisky. Le verre était vide et il se souvint de ce soir-là, le jour de l'agression d'Alice ; de son angoisse face au vide.

Vide qui était tout simplement en train de se creuser sous ses pieds, comme il l'avait pressenti dès le premier instant.

Alors il commanda un autre whisky.

- J'ai un appartement, mais il n'est pas disponible.

- Pardon ???

- Je ne sais pas comment te le dire... Voilà, je l'ai prêté à une jeune-fille qui m'est très chère.

- Tu as encore déconné papa ? Tu n'as pas pu t'empêcher de...

- Ce n'est pas ce que tu crois. La personne qui vit chez moi s'appelle Lucie. Elle a 20 ans, elle est enceinte, et surtout c'est ta grande sœur.

La Peur du VideOù les histoires vivent. Découvrez maintenant