Chapitre 72 - Entrées en scène

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Dans le salon, ce même lundi soir, Alice ne tenait pas en place.

Elle attendait l'infirmière pour sa dernière injection. Celle ci étant un peu différente des autres, elle ne pouvait pas la réaliser elle-même, au contraire de toutes les précédentes qu'elle avait effectuées sous le regard soucieux de Victor, le discret protecteur.

Elle était lasse, fatiguée, à fleur de peau.

Même petit Paul l'agaçait. Il lui demandait trop de choses. Il voulait absolument faire un gâteau avec elle, et elle n'en avait aucune envie. Elle voulait juste être tranquille, et que personne n'interrompe le cours des ses pensées.

Même si elles étaient confuses, même si elles étaient angoissantes ou contradictoires parfois.

Tous ces traitements, ces prises de sang, cette course chaque matin pour concilier les rendez-vous d'échographie et sa vie professionnelle. Bien sûr ça avait le sens qu'ils y mettaient tous les deux : Celui de consacrer leur union, d'une manière incomparablement plus intense qu'un modeste anneau qui n'aurait été que si peu représentatif du lien complexe qui les unissait.

Après tout, personne n'avait jamais créé de bijou assez nuancé, plein d'aspérités, de nuances, de couleurs, qui soit assez tourmenté pour représenter leur amour passionnel, fusionnel, tempétueux.

Personne n'avait dessiné une alliance avec des reliefs accidentés rappelant la présence inquiétante de Matthieu, les coups de couteau à leur accord tacite que Marquand avait infligés lorsqu'il avait rompu leur contrat dans les bras de Julia.

Plusieurs fois.

Une bague comme celle-ci n'existerait jamais, et ils n'en avaient pas besoin.

Unir leurs destins, pour eux, c'était se livrer ensemble au même combat douloureux, peut-être risqué s'il échouait. Mais c'était vivre avec intensité et sans regrets, se jeter dans une bataille où ils mettraient toute leur passion commune, et tout ce que leurs caractères avaient de pur et de fort.

Ils s'aimaient au-delà de tout, et surtout au-delà de leur existence propre. Et ils voulaient que ce lien indescriptible d'intensité et de complicité se retrouve dans un petit être qui serait à la fois un prolongement d'eux-mêmes, dans tout ce qu'ils étaient, et tout simplement, une nouvelle vie à part entière, qu'ils accompagneraient à chaque seconde.

Alice regarda son annulaire sans anneau et sourit.

De Marquand, elle ne voulait pas de bague, pas de cérémonie.

Elle voulait juste son enfant.

Paul la tira de ses pensées en réclamant un câlin. Elle parvint à se poser sur le canapé et le serra contre elle. A quoi bon souffrir pour avoir un autre enfant, si elle n'était pas capable, comme en ce moment, de s'occuper correctement de son fils unique? Elle avait aimé Mathieu et elle avait tout fait pour préserver la famille qu'ils avaient tentée de construire.

Marquand était là, déjà. Charmeur, protecteur, si agaçant parfois, mais tellement indispensable.

Ils se battaient tous les deux pour elle, et, aussi déstabilisante qu'ait pu être cette période de doutes, elle avait aimé se trouver au centre de l'intérêt de ces deux hommes frondeurs et combatifs.

- Maman ? Tu n'as pas entendu la sonnette ?

- Quoi ? Oh pardon Paul ! Je pensais à autre chose.

Le petit garçon alla ouvrir et laissa entrer l'infirmière.

Il s'enfuit en gambadant dans l'appartement.

La Peur du VideOù les histoires vivent. Découvrez maintenant