Chapitre 14 – Paranoïa
Marquand débarqua de bon matin au 36 :
- Noah !!!
- Eh, doucement Chef, ne criez pas aussi tôt !
- Mais c'est moi le Chef, mon petit Noah. Je parle comme je veux !
- C'est bon, vous allez nous la jouer mégalo comme le Dauphin qui mijote dans son aquarium ?
- Ca aussi c'est un pari Noah ? Combien, 10 contre 1 ? Oh non, je suis sûr que c'est encore mieux : vous avez parié que Mme le Juge & moi on se séparerait si Dauphin était coupable ? Ou le contraire ?
Noah baissa les yeux.
- C'est pas vraiment ça Chef... Les paris sur l'évidence de votre couple, c'est bouclé, d'ailleurs, j'ai pas gagné beaucoup sur ce coup là, tout le monde était d'accord. Apparemment les autres ils avaient déjà commencé avec Max, ça date pas d'hier.
- Max était dans le coup ? Oh le petit con, je vais m'occuper de son cas !
Il se tut quelques secondes, fronça les sourcils et poursuivit :
- Mais alors... C'est quoi votre nouveau sujet de pari ?
Noah mordit dans un croissant sans oser croiser le regard de Marquand.
- Le bébé, Chef. Il y a ceux qui pensent que vous êtes trop vieux, et les autres qui parient que Madame le Juge saura vous convaincre.
- Oh putain, c'est le bouquet là ! Bon, dégage avant que je ne t'étripe ! Je vais aller me faire le Dauphin, je sens que je suis en super forme, là ! Appelle Lesieur pour l'interrogatoire et disparais de ma vue ! Trop vieux pour un bébé ! Et depuis quand Madame le Juge me ferait faire des choses contre mon gré ?
Noah pouffa de rire et déguerpit pour se mettre à l'abri du courroux de son Chef.
***
Quand le Juge Lesieur arriva, Marquand s'installa avec lui dans la salle d'interrogatoire. Les résultats d'ADN avaient été confondants : le cheveu de Dominique Dauphin correspondait à l'ADN retrouvé sur les affaires de Stéphane Carmet. A présent, manquaient des aveux, ce qui ne serait pas chose facile car le suspect avait un fonctionnement psychique très imprévisible. De plus, puisqu'il avait congédié Noah, Marquand ne serait accompagné que de Lesieur, qui manquait cruellement d'expérience.
Dauphin fut emmené dans la pièce par deux policiers. Marquand avait demandé à ce qu'il ne soit pas menotté, voulant jouer au maximum la carte de la connivence avec lui ; il se disait que cette «marque de faveur » pourrait faciliter leur contact.
- Monsieur Dauphin, j'espère que votre nuit n'a pas été trop pénible ?
- Assez inconfortable, et frustrante : je sais que pendant ce temps perdu, il se passe certainement n'importe quoi dans mon Etablissement.
- Ces contretemps sont fâcheux, je peux parfaitement le comprendre. Je sais ce que c'est que mener une équipe d'incapables. Vous voyez mon Lieutenant, le grand qui mange tout-le-temps ? Eh bien ce matin, il n'est pas venu bosser. Vous croyez qu'il m'aurait prévenu, par correction ? Même pas ! Tout se perd ! Stéphane était pareil ?
- Ah non, il n'aurait jamais fait ça ! Il était consciencieux, intelligent, toujours présent, il connaissait bien son travail.
- Alors, qui aurait pu lui en vouloir ?... demanda Marquand dans un souffle.
- Il est venu me demander un poste avec plus de responsabilités, il en était capable... C'est à ce moment-là que j'ai compris qu'il visait mon poste.
- C'est insupportable quand on y pense, l'élève qui veut dépasser le Maître ! Explosa Marquand, jouant parfaitement le jeu.
- Je vois qu'on se comprend, Commandant. Alors j'ai voulu tempérer un peu ses ardeurs. Je lui ai suggéré de rester à sa place. Plusieurs fois. Il n'a pas compris. Il m'a dit qu'il allait déposer une plainte pour harcèlement moral !
- Quel culot ! Les gens n'ont plus que ce mot là à la bouche maintenant !!
- Exactement Commandant. Exactement.
Marquand sentait que le choix du type d'interrogatoire qu'il avait fait était le bon. Il avait tant de fois vu Alice procéder de la sorte, jouer un personnage pour acquérir la confiance du suspect. Il essaya d'imaginer ce qu'elle aurait dit. Elle se serait assise, l'air presque maternel, sur l'angle de la table près de lui, et aurait murmuré une phrase avec douceur, pour faire tomber les dernières défenses du suspect.
C'est ce qu'il fit.
- Alors vous vous êtes dit que c'était injuste qu'il vous fasse cette menace. Vous n'avez pas compris comment vous aviez pu en arriver là tous les deux, après tout ce que vous aviez fait pour qu'il progresse au Casino.
- Mais parfaitement ! C'est ce que j'ai voulu lui faire comprendre !
- Mais il n'en a fait qu'à sa tête, il a vraiment voulu déposer plainte contre vous !
- Il ne m'a pas laissé le choix. C'était ma tête ou la sienne.
- Et la cravate du Casino autour de son cou, c'était pour lui montrer qu'il ne serait jamais plus fort que vous, le Directeur...
- Bien sûr qu'il n'y serait jamais arrivé !
- Et les vêtements de SDF ?
- Il ne méritait rien d'autre que de finir dans des habits crasseux. Il avait voulu me prendre ma place, je l'ai remis à la sienne.
Marquand leva les yeux vers Lesieur qui avait assisté à tout l'interrogatoire bouche-bée. Ce Commandant aux manières si brutales avait réussi à obtenir des aveux avec ce qui semblait une facilité déconcertante, pour qui regardait en spectateur.
Marquand, lui, sentait enfin sa pression intérieure se relâcher un peu.
- Monsieur le Juge, maintenant je pense qu'il faut demander une réquisition pour expertise psychiatrique pour Monsieur Dauphin.
Sans le moindre signe avant-coureur, en entendant ces mots, Dauphin se leva d'un bond et poussa Marquand de toutes ses forces. Bien que sur ses gardes depuis le début de l'interrogatoire, il n'eut pas le temps d'esquiver totalement le geste du meurtrier, et sa tête heurta un angle de la table.
Lesieur appela les secours et des gardiens vinrent maîtriser l'homme qui venait de comprendre qu'il était tombé dans un piège tendu par plus malin que lui.
***
Jacques venait juste d'arriver pour une visite à sa fille quand le Docteur Devaux entra dans la chambre d'Alice.
- Bonjour Madame Nevers. On peut faire le point ?
Jacques allait partir, Alice le retint d'un mot.
- Les infirmières m'ont dit que les plaies étaient propres et cicatrisaient correctement, poursuivit le médecin. Votre bilan sanguin s'améliore de jour en jour, votre anémie se résorbe d'elle-même car vous êtes jeune et votre corps lutte efficacement. Vous devriez pouvoir sortir dans quelques jours.
Alice sourit de bonheur.
- Docteur, j'ai un fils de cinq ans, peut-il me rendre visite à présent ?
- Oui, vous pouvez retrouver votre Petit Paul ; je l'ai déjà aperçu avec votre père ou votre mari, je suis sûr qu'il sera heureux de retrouver sa maman !
Le médecin quitta la pièce et Alice saisit son portable en expliquant à son père :
- J'appelle Marquand pour l'informer.
Jacques sourit, heureux à l'idée de les voir tous les trois à nouveau réunis.
- C'est bizarre Papa! s'exclama Alice, les sourcils froncés. Marquand ne répond pas !
VOUS LISEZ
La Peur du Vide
FanfictionFan-fiction faisant suite à la série Française "Alice Nevers, le Juge est une femme" (Suite de la saison 12 diffusée au printemps 2014). Alice Nevers est Juge d'Instruction à Paris. Elle mène une vie bien remplie, avec son fils Paul, de 5 ans, issu...