Chapitre 89 - Périls en la demeure

376 12 0
                                    


Immobile, retenant son souffle, Marquand pâlit en entendant les paroles prononcées par Alice d'une voix glaciale.

Il eut envie de se lever d'un bond, de l'intercepter, de la forcer à le regarder droit dans les yeux et de lui dire.

Lui dire que Julia ne comptait pas, que leurs chemins étaient déjà distincts depuis bien longtemps, que son avenir c'était Elle. Elle, et toutes ces Moitiés-d'Eux pour lesquelles ils avaient sacrifié leur temps, leurs espoirs, pour lesquelles Alice avait tant souffert.

Il allait bondir du lit et la retenir, mais il ne le fit pas.

A quoi bon ? Quoi qu'il fasse, Alice resterait en colère tant qu'elle n'aurait pas les réponses qu'elle cherchait. Il n'avait pas très bien compris quelles étaient ses questions, mais il la connaissait suffisamment bien pour savoir qu'il ne parviendrait pas à la faire changer d'avis. Si cela se faisait, c'est parce qu'elle-même l'aurait décidé.

Il se sentait complètement dépossédé de toute possibilité, de tout moyen d'action, et c'était terriblement frustrant. Voire même obsédant, oppressant.

Les chiffres lumineux du radioréveil lui indiquaient qu'il était presque huit heures du matin. Dans 24h00 devrait se dérouler le transfert des embryons.

Si toutefois elle les voulait encore.

***

- Madame Faivre ?

Le Docteur Victorino s'adressait à Léa, qui mit quelques secondes à répondre. Elle ne s'était pas encore tout-à-fait habituée à être interpellée par ce nom qui n'était pas le sien, mais qui était celui d'une personne à laquelle elle devait beaucoup.

Car Noah était plus qu'une simple rencontre dans sa vie. Elle n'en était pas certaine, elle ne le savait pas encore, mais il était possible qu'il soit La Rencontre.

- Madame Faivre, j'ai besoin de vous examiner pour m'assurer qu'il n'y ait aucune contre-indication aux traitements et manipulations qui seront nécessaires lorsque nous aurons trouvé un donneur compatible avec le souhait que vous et votre mari mettez en avant.

L'enthousiasme de Léa s'atténua à l'idée de cette consultation à laquelle son esprit de s'était pas préparé, mais il était trop tard pour reculer ; de plus cela aurait pu paraître suspect. Elle suivit donc le docteur Victorino derrière une cloison coulissante qui dissimulait une table d'examen ainsi que le matériel d'échographie.

- Tout me paraît en ordre, déclara le médecin en scrutant l'écran de l'appareil à ultra-sons. Une belle ovulation se prépare même pour les heures à venir.

Quand ils revinrent près du bureau, le médecin paraissait très sûr de lui.

- Je suis très optimiste concernant votre dossier. Je pense que vous serez enceinte très facilement, madame Faivre. Nous pouvons programmer le rendez-vous pour le mois prochain.

- Et le donneur ? demanda Noah, interprétant son rôle d'homme inquiet jusqu'au bout. Vous allez vraiment pouvoir en trouver un aussi facilement et dans un délai si court ?

Le docteur Victorino les regarda droit dans les yeux.

- « Si nous nous en donnons les moyens, ce sera une simple formalité »

Pourtant, dans sa bouche, le mot « moyens » sonnait presque comme une menace.

***

Alice s'allongea près de Paul, qui dormait encore. Elle caressa doucement ses boucles châtain. Ses pensées étaient très fuyantes, et elle n'essayait pas de les retenir. Peut-être que de cet amas d'images qui lui traversaient l'esprit, une évidence surviendrait sur le devant de la scène, et s'imposerait.

La Peur du VideOù les histoires vivent. Découvrez maintenant