Chapitre 106 : Pertes & fracas

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Dès le réveil de Léa, Marquand était prêt à partir. Il refréna son impatience et resta, par discrétion, sur le balcon, pendant qu'elle se préparait rapidement. Même s'il ne s'était pas toujours bien comporté avec les femmes dans sa vie, il n'en faisait pas moins preuve d'une excellente éducation dès lors qu'il ne fondait aucun projet avec celle qui était près de lui.

Ils rejoignirent vite le Commissariat, impatients d'apprendre les dernières nouvelles. Les formalités étaient en train de débuter pour le rapatriement du corps de Noah.

Léa était pâle, ces actes concrets la confrontaient à une réalité qu'elle n'intégrait qu'au prix de grandes difficultés. Elle allait devoir prévenir la famille ; c'est un moment qu'elle repoussait depuis deux jours déjà.

Il n'y avait pas beaucoup d'éléments nouveaux, en ce début de dimanche. Juste quelques balbutiements de pistes : la confirmation que les sinistres Rodolfo & Manuel étaient bien passés par l'aéroport, en direction des Caraïbes, où leur trace se perdait pour le moment. Et l'attente que le personnel navigant fasse escale à Barcelone, pour en interroger chaque membre, au fil des nouveaux atterrissages, espérant qu'une hôtesse, un steward, puisse se souvenir et reconnaître, le couple d'origine Nordique.

La patience allait être de mise ; ce n'était pourtant pas la qualité principale de Léa, ni de Marquand. La journée promettait d'être longue.

***

Les heures passaient, cahin-caha, sur les routes sinueuses des Andes. Pour mieux brouiller les pistes, Rodolfo et Manuel avaient finalement opté pour un bus local, encore plus inconfortable, mais dont on payait le trajet en liquide.

Aucune trace. Ils allaient se fondre dans le décor, ceci d'autant mieux que leur langue maternelle était l'Espagnol.

Un jour, les habitants de leur pays d'accueil finiraient par oublier qu'ils étaient arrivés de nulle-part.

Un jour, les gens d'ici croiraient qu'ils étaient là depuis toujours.

Ils regardaient les gens autour d'eux, des Péruviens en tenue colorée, surtout les femmes et les fillettes. Ils allaient devenir leurs voisins pendant quelques mois, ou même plus selon les nécessités imposées par leur situation.

Les nouvelles qu'ils pourraient parvenir à avoir de Katri, et surtout des embryons qu'elle portait, guideraient bien évidemment la tournure des événements, et la durée de leur exil forcé.

Si les Moitiés-d'Eux s'accrochaient, le risque était que les parents biologiques, peut-être rendus soupçonneux par les remous autour de la mort de ce Français trop curieux, effectuent des recherches. Ils demanderaient des tests ADN, si jamais ils parvenaient à trouver les receveurs de leurs embryons. Cela pouvait être une possibilité qu'il ne fallait pas exclure. Et il en faudrait, du temps, avant que le danger ne s'éloigne.

L'air était plein de poussière, déclenchant pour les deux voyageurs, peu habitués à ces conditions, ni à l'altitude, des quintes de toux qui leur paraissaient interminables.

Ce désagrément s'ajoutait à l'inconfort de leur assise, avec leurs genoux qui heurtaient avec rudesse le siège de devant, au rembourrage plus que défoncé par les années de service de l'autocar.

Mais Rodolfo et Manuel s'en accommodaient malgré tout, car leurs pensées étaient ailleurs.

Depuis toutes ces années, des bébés inespérés étaient venus au monde grâce à leurs efforts.

Ils donnaient la Vie.

Ils avaient fait tant d'heureux, ils avaient tant d'argent à leur disposition.

La Peur du VideOù les histoires vivent. Découvrez maintenant