10. ABANDON (Partie III)

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Lorsque nous revînmes à la maison, plusieurs membres de la famille haussèrent les sourcils d'étonnement. Chacun se demandait visiblement ce que nous faisions dehors, alors que nous avions gagné la chambre quelques minutes plus tôt - tous, à l'exception de Rosalie.

- Bella est d'humeur taquine, rigola Alice.

- Tu veux un coup de main ? proposa Emmett avec une pointe de malice.

- Non, ça ira, je m'en sortirai. Elle n'a pas fait plus de quelques mètres de toute façon.

Tout le monde s'esclaffa et Alice en profita pour s'éclipser au premier en m'entraînant par la main. Je fus heureuse de me retrouver dans la chambre déserte. Personne ne semblait avoir remarqué mon trouble, ce qui n'était pas plus mal.

Je me laissai tomber sur le lit tandis qu'Alice replongeait son nez dans la penderie de sa sœur. J'imaginais le mal qu'elle devait se donner pour contrôler ses pensées. J'avais conscience de lui en demander beaucoup, mais il était hors de question que je cause à nouveau du souci à Edward.

J'entendis brusquement de l'agitation au salon et je devinai que tout le monde sortait prendre l'air. La maison redevint silencieuse et une bouffée de torpeur m'envahit.

- Où est-ce que tu te caches, Jasper ? demandai-je au même moment.

Sans un bruit, mon beau-frère atterrit avec souplesse dans la chambre. Il avait bondi depuis l'extérieur et vola littéralement jusqu'à sa moitié. Il l'embrassa et la prit par la main. Complices, ils échangèrent un regard sous-entendu dont le sens m'échappa. Quelques secondes plus tard, Alice quitta la pièce, me laissant ainsi seule avec Jasper.

- Ça va, Bella ? me demanda-t-il en s'asseyant sur le lit à côté de moi.

- Ça peut aller, mentis-je.

- Tu devrais cesser de te torturer comme ça.

- C'est difficile, Jasper. J'ai l'impression que chaque jour est plus difficile que le précédent.

- Tout le monde ressent la même chose. Enfin... à peu de choses près.

- Qu'est-ce que tu veux dire ?

- Certaines émotions sont plus faciles à gérer que d'autres, Bella. Tout le monde ressent un chagrin intense. Mais je dois reconnaître qu'Edward et toi êtes plus difficiles à gérer que toute la famille réunie.

- Edward ?

Jasper me sourit gentiment.

- Il est rongé par la culpabilité, expliqua-t-il.

- Ne me dis pas qu'il s'en veut encore pour Renesmée ? me récriai-je.

- C'est une chose qui ne le quittera pas. Pas tant qu'il ne l'aura pas retrouvée. C'est compréhensible. En tant que parents, vos émotions sont un peu différentes des nôtres. Nous, nous gérons notre chagrin du mieux que nous le pouvons, mais nous ne sommes « que » - et il mima les guillemets qui accompagnaient ses paroles - ses oncles, ses tantes ou ses grands-parents. Nous ne pouvons pas réellement mesurer l'ampleur de ce que vous ressentez. Enfin là, je parle pour les autres. Mais nous ne pouvons que le comprendre, pas le partager avec la même intensité. Même pour moi, qui peux ressentir ce que vous ressentez, cette émotion me paraît factice. Comprends-moi, enchaîna-t-il. Je ne pourrai jamais éprouver ça au sens propre du terme. Je ne serais jamais père et il ne s'agit pas de mon enfant.

- Je n'avais pas vu les choses sous cet angle, reconnus-je. Ça doit être tellement dur pour toi.

- Je t'avoue que quelquefois, c'est difficile à supporter. Surtout quand tout le monde se trouve dans la même pièce. Mais je ne me plains pas, s'empressa-t-il de me rassurer.

- Tu aurais pourtant de quoi.

- Ne t'inquiète pas pour moi. Essaie plutôt de parler avec Edward.

- Je ne vois pas ce que je pourrais lui dire pour qu'il cesse de se sentir responsable. Ça me tue de le voir comme ça ! Comment pourrais-je le conseiller alors que j'ai moi-même des difficultés à définir ce que j'éprouve en ce moment ?

- Toi, ce serait plutôt comme si tu bouillonnais de l'intérieur. Et je n'aimerais pas être là le jour où ça explosera, tenta-t-il de me faire sourire.

Je me déridai quelque peu, même si ses propos m'effrayèrent. Que serais-je capable de faire le jour où je n'y tiendrais plus ? Une chose irréfléchie, forcément. C'était bien mon genre. Comme me jeter sur Aro pour lui arracher la tête et plonger ma famille dans les ennuis.

- Bon, fit-il en se relevant brusquement. Je vais te laisser. Si tu as besoin de moi, n'hésite surtout pas.

- Merci, Jasper.

Je marquai une pause en le regardant s'éloigner.

- Jasper... hésitai-je.

- Oui ?

- Tu pourrais... tu pourrais demander à Alice de remonter, s'il te plaît ?

- Bien sûr, accepta-t-il en esquissant un sourire

Mon beau-frère quitta la pièce et mon sentiment de bien-être s'évapora avec son départ. Il eut à peine le temps de faire quelques pas dans le couloir, que j'entendais déjà la démarche d'Alice se rapprocher.

TWILIGHT - RÉVOLUTION (Tome 1)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant