10. ABANDON (Partie XXI)

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« ...quand elle était calme, ce changement donnait à sa beauté une apparence surnaturelle. L'éclat de ses yeux avait fait place à une douceur rêveuse et mélancolique ; ils ne semblaient plus s'attacher aux objets qui l'environnaient ; ils paraissaient toujours fixés au loin, très loin, au-delà de ce monde, aurait-on dit.

Puis la pâleur de son visage – dont l'aspect hagard avait disparu quand elle avait repris des chairs – et l'expression particulière que lui donnait son état mental, tout en rappelant douloureusement ce qui en était cause, ajoutaient au touchant intérêt qu'elle éveillait : ces signes contredisaient – pour moi, certainement, et pour tous ceux qui la voyaient, je pense – les preuves plus palpables de sa convalescence et lui imprimaient la marque d'un dépérissement fatal. »

Je me demandai s'il s'agissait davantage de la retranscription du portrait actuel de Jacob que du mien.

Je m'interrogeai l'espace d'une seconde sur le sort de Catherine dans ce roman. Je ne cessais de penser que celle-ci était bel et bien responsable de son malheur. Mais n'avais-je pas fait exactement la même chose qu'elle ?

La question était loin d'être inédite et je ne faisais que me répéter sans cesse que mes choix m'avaient toujours paru les plus justes. Mais mon égoïsme ne m'amenait-il pas aujourd'hui à faire souffrir tous ceux que j'aimais ? Si je ne m'étais pas entêtée à garder Renesmée dès le début, les Volturi auraient-ils jamais eu une raison de nous atteindre ?

Aurais-je ainsi exposé toute ma famille et nos amis ? N'aurais-je pas ainsi évité de faire du mal à mon père en devant lui cacher toutes sortes de choses ayant trait à la situation présente ? Non, pensai-je immédiatement. Ma vie n'aurait pas été la même.

Les Volturi auraient toujours trouvé un moyen de s'en prendre à nous. J'aurais toujours eu des secrets pour mon père, même si elle n'avait pas été là. Jacob n'aurait pas trouvé l'objet de son imprégnation et aurait continué à souffrir de mon amour pour Edward. Un équilibre parfait s'était installé dans nos vies à tous les trois, grâce à elle.

Là où j'avais été réellement égoïste, c'était de l'avoir rejetée comme je l'avais fait, alors que j'essayais de me remettre de la mort de ma mère – même si le mot était un peu fort, c'était néanmoins de cette manière que ma fille l'avait ressenti, j'en étais certaine.

Au moment où on me l'avait prise, je commençais à peine à revenir vers elle. Alors, que devait-elle bien pouvoir en penser en ce moment, loin de moi ? Avais-je mérité mon sort ? Difficile de répondre aussi catégoriquement par la négative.

Un soir, j'avais posé une question approchante à Edward - et plusieurs autres encore. Je lui avais demandé pourquoi cela nous était arrivé à nous, pourquoi notre bonheur ne pouvait pas rester de même.

- Rien n'est stable dans l'univers : tout varie, tout n'offre qu'une image passagère. Le temps lui-même roule comme un fleuve dans sa course éternelle. Le fleuve rapide et l'heure légère ne peuvent l'arrêter. Mais, comme le flot presse le flot, chassant celui qui le précède, et chassé par celui qui le suit, ainsi les moments s'écoulent, se succèdent, et sont toujours nouveaux. L'instant qui vient de commencer n'est plus ; celui qui n'était pas encore arrive : tous passent, et se renouvellent sans cesse, avait-il répondu, citant des vers d'Ovide.

Je me souvins avoir trouvé sa réponse exacte mais injuste.

TWILIGHT - RÉVOLUTION (Tome 1)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant