Du bout des doigts [Yoonmin]

Chapitre 151

Déjà deux semaines que Jimin était parti. Yoongi se languissait de lui et les appels téléphoniques ne suffisaient plus à son bonheur. Dans une ultime tentative de combler un peu ce manque, Hyejin avait demandé à Taehyung de faire venir une nouvelle fois tous les amis du brun afin de lui faire profiter d'un moment agréable et convivial. Les jeunes gens avaient beau avoir repris les cours, car le mois de septembre était désormais entamé, ils avaient tous répondu présents.

Hyejin était certes la première à réellement permettre à son aîné de s'améliorer, elle savait qu'elle n'était rien par rapport à son ancien infirmier : Yoongi n'avait jamais joué de piano devant elle, il refusait toujours de sortir de chez lui quand elle le lui proposait, et elle avait l'interdiction formelle de toucher aux livres de la maison – ou alors elle devait le faire sans qu'il s'en rende compte. Tout ça, elle était convaincu que ce n'était pas interdit au blondinet, qu'il avait pu le regarder jouer, sortir avec lui, et lire – voire lui lire – certains de ces romans.

Pourtant ça ne mettait pas sa patience à rude épreuve. Elle était douée de cette empathie qui la rendait compréhensive au point que pour ce qui était des affaires personnelles de son patient, elle ne disait jamais rien. Tout ce qu'elle attendait de lui, c'était qu'il devienne indépendant, pour ce qui était du reste elle savait qu'elle ne pouvait pas se substituer à Jimin, elle n'avait d'ailleurs pas cette prétention.

Ce soir donc, ils attendaient tous deux les invités. Yoongi discutait dans sa chambre avec Jimin et Hyejin avait entrepris de préparer le repas seule pour laisser au couple un peu d'intimité : Jimin et Yoongi avaient pris l'habitude d'être ensemble pratiquement vingt-quatre heures sur vingt-quatre (car même quand ils étaient dans deux pièces différentes les deux amants savaient qu'ils étaient proches l'un de l'autre), elle ne voulait même pas imaginer à quel point ça avait pu être difficile pour l'un comme pour l'autre, les premiers jours, de ne pouvoir communiquer que pendant quelques dizaines de minutes.

« Je te rappelle demain, à la même heure, conclut Yoongi.

- Je serai là, comme d'habitude. Je t'aime, à demain.

- Moi aussi je t'aime. »

Comme il aimerait sentir ses lèvres contre les siennes.

Jimin raccrocha alors que le regard vide de l'aveugle se perdait en direction de son téléphone, un peu comme s'il espérait un nouvel appel. Face au silence, son cœur se serra et il sortit de sa chambre pour aller aider Hyejin en cuisine, l'air morne. Il avait pensé que plus le temps passerait, plus il s'habituerait à l'absence de son petit-ami, mais c'était le contraire : après quelques jours il s'était senti beaucoup mieux, puis peu à peu tout son enthousiasme s'effaçait.

Ce soir-là, ni les plaisanteries de Taehyung et Baekhyun, ni le sourire de Hoseok, ni la maladresse de Namjoon, ni les conversations avec Seokjin n'y avaient rien changé. Il se sentait seul, même s'il se savait entouré, et la présence de ses amis avait beau le réconforter, il savait qu'il allait affronter à nouveau son cauchemar.

Il ne s'était pas trompé : cette nuit ne fut que noirceur, « bips » incessants, murmures éplorés de sa famille qui le suppliait d'ouvrir les yeux alors qu'il était entre la vie et la mort.

Le lendemain il avait eu une longue conversation avec Hyejin qui avait rapidement compris qu'avec le départ du blondinet et la sensation de solitude de plus en plus présente, le traumatisme du brun s'était réactivé et son inconscient n'avait que les rêves pour se manifester concrètement. Il lui rappelait encore et encore la dernière sensation de solitude qu'il avait ressentie, la dernière fois qu'il s'était trouvé incompris par tous les gens autour de lui. À présent que ces émotions négatives refaisaient surface, elles ramenaient avec elles de vieux souvenirs de traumatismes passés, comme pour hanter le pauvre aveugle.