Chapitre 74

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Non.

Jungkook en eut le souffle coupé.

Non.

Un acouphène aigu accompagna le silence sinistre qui s'abattit dans le petit studio. Et cet acouphène aigu, Jungkook éprouva la sensation qu'il mimait les hurlements stridents des morceaux de son cœur de verre que la stupéfaction avait brisé.

Non.

Avec son cœur, c'était sa confiance que Taehyung venait d'anéantir. Pris d'un soudain vertige, une nausée provoquée par cette réponse inattendue et pourtant si évidente, Jungkook resserra sans s'en apercevoir sa poigne sur le col du t-shirt de l'écrivain qui remua et chercha à le repousser.

« Jungkook, lâche-moi, s'il te plaît.

— Quoi, Jungkook ? Où il est passé, Kookie ? Hein, où il est passé ! hurla soudain le libraire en le relâchant dans un geste brutal.

— Écoute, j'ai juste... je...

— Putain mais parle, bordel ! Toi qui prétendais être bavard, vas-y, explique-toi ! Ma main te dégoûte à ce point ? Merde, mais bien sûr qu'elle te dégoûte, comment j'ai pu espérer que ça te choque pas ? Bah tu sais quoi, si tu la trouves aussi immonde, ma main, tu peux aussi bien te barrer ! Casse-toi !

— Jungkook, je t'en prie, on...

— Dégage, putain, dégage ! Je ne veux plus jamais te voir, c'est compris ! T'aurais pu m'embrasser mille fois que ça m'aurait moins écœuré et moins déçu ! T'es le pire connard que j'aie jamais rencontré, Kim Taehyung ! Va tomber amoureux d'un mec qui sera pas handicapé, au lieu de me casser les couilles avec tes sous-entendus grotesques depuis des semaines ! »

Jungkook, furieux et les yeux remplis de larmes brûlantes, ouvrit la porte avec une violence telle qu'elle claqua contre son mur. Son aîné en sursauta et, tétanisé, il demeura immobile.

« Taehyung, feula l'autre, sors tout de suite de chez moi. »

Sans un mot, tremblant et hagard, le jeune homme obéit. À peine eut-il posé les deux pieds dehors que Jungkook lui ferma au nez et, sans se soucier du fait que l'écrivain se trouvait toujours sur le pas de sa porte, il laissa ses sanglots éclater.

Comment avait-il pu croire que cet idiot l'aimait pour autre chose que son apparence ? La littérature, quel beau prétexte, quel beau mensonge ! Jungkook se maudissait pour sa stupidité autant qu'il maudissait l'auteur pour cette farce ridicule.

Dépité, il se rendit à la salle de bains, enfila son attelle pour ne plus souffrir – du moins physiquement – et fila s'allonger dans son lit, enfonçant le visage dans son oreiller alors que toute sa peine le frappait à la manière de déferlantes de douleur.

Dès l'instant où il avait rencontré Taehyung il avait su que ce dernier ne lui apporterait rien de bon, et il avait compris qu'il s'était arrêté à ce qu'il voyait de son corps pour le juger – et lui adresser des propositions indécentes. Jungkook aurait dû se méfier : avec son imagination débordante, l'écrivain n'avait pas éprouvé la moindre difficulté à trouver un prétexte plus élégant que la seule luxure pour justifier les regards appuyés qu'il avait posés sur lui à la librairie. Il lui avait menti dans l'espoir de se rapprocher de lui, et peut-être espérait-il tôt ou tard réussir à l'attirer dans son lit.

Comment avait-il pu le rejeter du fait de ses blessures, lui qui lui avait adressé une si jolie déclaration la veille !

Jungkook s'en moquait de tremper de ses sanglots son pauvre coussin. Il tremblait de tous ses membres, et sans attendre il attrapa son téléphone pour envoyer un SMS à Yoongi, un bref « viens, je t'en supplie » qui traduisait son urgent besoin de se blottir dans ses bras. Son smartphone vibra quelques instants plus tard pour indiquer la réception d'un nouveau message, mais il n'y prêta pas attention, conscient qu'il s'agissait simplement de Yoongi qui devait confirmer qu'il était en route.

Les ailes de papier [Vkook/Yoonmin]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant