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.Yaël .

Je picorai vaguement les petits pois verts en restant pensive. Joyce, la femme de service qui travaillait depuis plus de quinze années pour mes parents nous servit à tour de rôle du jus de cerises. Elle et moi nous nous entendions rarement ! Je me suis souvent demandé, comment une femme de ménage peut avoir un si joli prénom ? Au bout d'un moment, je me suis portée à croire, que ses parents ont sans doute entendu le prénom quelque part lors de leur passage en tant que femme et homme de service ! Mais bon, j'épuisais mon cerveau pour rien.

- Et Soraya ? Me demanda ma petite sœur Gayel.

- Quoi Soraya? Pourquoi me demandes-tu pour elle?

- Relax Yaël ! Je ne faisais que demander, elle m'a envoyé un joli set de barbie pool et accessoires pour Liza, et je voulais la remercier. Répondit-elle

- Tu as son numéro non? Tu n'as qu'à l'appeler. Répondis-je agacer.

- Yaël soit plus polie envers Gayel. Me réprimanda mon père.

Je roulai des yeux en exhalant discrètement...

- C'est tout à fait normal, qu'elle te demande de ses nouvelles. Elle n'a presque pas mis les pieds ici, ça doit faire trois à quatre mois au moins! Déclara mon père.

- Ce n'est pas de ma faute si elle est une femme débordée et ostentatoire ! Ripsotai-je

- Ostentatoire ? Soraya est l'antonyme de ce mot. Je l'ai invité à dîner deux fois de suite, elle a confirmé mais après, jamais elle ne venait. J'essaierai de passer la voir dans son appartement. Ajouta Gayel

- Soraya habituellement répondait toujours présente à nos invitations. Dit maman

- Les gens changent! Leur rappelai-je sans cacher mon air embêté.

Je faisais un effort surhumain afin de dissimuler le degré de mon agacement. Toujours tout par et pour Soraya, ils sont aveuglés par cette folle furieuse traumatisée par la mort de ses parents ; comme si elle était la seule à vivre des atrocités. Ne se rendait-ils pas compte qu'à cause d'elle toutes mes aspirations ont été détruites.

- Yaël tu devrais être plus gentille et plus reconnaissante lorsque tu parles de Soraya! Renchérit papa .

Je laissai tomber furieusement ma fourchette sur mon assiette, croisai mes bras sur ma poitrine, en le fixant les sourcils arqués.

- Ah bon et pourquoi ? L'affrontai-je

- Je ne comprends pas ton attitude ! Elle est belliqueuse. Tu n'iras pas loin ainsi. Ton arrogance, ton manque de gentillesse et de tact auront raison de toi. Poursuit-il.

Je fis reculai bruyamment ma chaise, saisit mon sac à main signé Coach et abandonnai la table ainsi que la propriété de mes parents. Je soupirai et rentrai dans ma voiture, en renversant légèrement la tête en arrière. Soraya, Soraya, toujours Soraya ! Des compliments, des éloges,  toujours tout pour son air de sainte n'y touche. J'exhalai profondément et mis le contact en repensant aux propos de mon père. Je savais déjà à quoi il faisait allusion en parlant de reconnaissance. Je restai silencieuse afin de canaliser ma colère, tandis qu'un embouteillage monstre m'accueillit dès la sortie de Pacot ! J'éteignis le moteur et me plongeai dans une longue réflexion.

Sept ans plus tôt, un incendie causé par des manifestants en colère, avait fait tomber en ruine les édifices commerciaux de mon père. Une perte énorme, qui nous avait coûté une crise économique existentielle. Je n'avais que dix-huit ans à l'époque, ma sœur qui avait à peine célébré ses sweet sixteen à l'Iguana café, avait rapidement péter une crise et pour s'évader de la difficulté de la situation, elle s'était laissé emporter par les désirs fugaces de l'adolescence, et s'était accrochée à un petit chenapan, qui avait fini par la rendre digne de l'émission de MTV 16 ans et maman, puis s'était barré sans dire mot. Elle ne l'avait jamais avoué, lorsque réellement on avait découvert qu'elle était enceinte, elle courait déjà sur son quatrième mois et les risques d'IVG étaient pénibles. Et bien évidemment, avec une crise pécuniaire comme celle-ci et cette grossesse, ce fut à moi d'en payer durement les conséquences et de renoncer injustement à mes premières années universitaires à New-York. J'avais dû m'inscrire au secrétariat de Ck en attendant. La pire décision de toute ma vie. M'adapter n'avait pas été facile, cela avait été un choc émotionnel pour moi ! Et c'était là que Soraya, qui s'était envolée pour l'université de New-York, avait décidé de venir en aide à sa meilleure amie "ruinée". Elle en avait parlé à son grand-père, qui m'avait permis d'effectuer mes études aux côtés de sa petite-fille à New-york, avec l'accord de mes parents qui trouvaient ce geste magnanime extraordinaire....

Ensuite ? Ensuite j'ai croisé Kevin à ma deuxième année en sciences comptabilités. Nous avons filé le parfait amour, où j'ai cru filer le perfect match durant trois ans, jusqu'au jour où il m'a plaqué à deux jours de nos fiançailles !

- Je...Je ne crois pas que je pourrai continuer ainsi Yaël! M'avait-il dit.

- Mais pourquoi ? Avais-je répondu affolée 

- Je...je ...suis tombé amoureux de Soraya. Je suis désolé...

Une gifle monumentale que j'avais reçue vivement, un soufflet ! J'aurais voulu un Oscar même, pour chaque film que je m'étais fait dans la tête avec lui. Bien évidemment, il avait même pris sa défense...

- Ne l'en veut pas. Elle n'y est pour rien. C'est moi qui me suis embrouillé tout seul. J'ai vraiment tout fait pour éviter ça mais je n'ai pas pu... je suis désolé. 

J'avais eu la rage au ventre, la rage de tout casser ! Pourquoi ? Parce que même lors de nos études aux secondaires, les garçons ont toujours été attirés plus que par elle, que par moi, toujours des témoignages bien veillant à son égard ! Son air innocent et candide, sa gentillesse, son amabilité et moi alors ? Je suis Yaël ! La fille haute et élancée de l'équipe de Volleyball. Celle que tous les mecs trouvent sympa pour une virée entre potes, Yaël la sportive ! Quand finalement, je décide de prendre un nouveau départ ; il a fallu que mon fiancé s'intéresse à elle ! Oh, et à notre retour en Haïti ? Nous avions toutes les deux postulées pour des prestigieux postes intérimaires à l'entreprise familiale de son grand-père, et bien entendu sans "favoritisme", on lui avait affecté en tant que community manager et moi, en agent administrative de catégorie C ! Immanquablement, son grand-père m'avait fait comprendre que Soraya me surpassait dû au stage de dix-huit mois qu'elle avait effectué à New-York lors de sa troisième année. À croire qu'il me punissait pour avoir en ce temps-là, profité de ma vie d'étudiante sur le campus, entre sorties et soirées avec Kevin ! À cause qu'il avait généreusement parrainé mes études universitaires, il se croyait tout permis à me prodiguer des conseils et de tips dont j'en avais totalement rien à foutre!  En effet, oui je l'avais mal vécu, et pour m'affranchir de lui et sa charité sur mes épaules, j'avais choisi de postuler ailleurs, que d'accepter cette affectation minable. Mon père pense, que si j'avais été moins orgueilleuse et accepté l'offre de ce vieillard défraîchi, que j'aurais pu être présentement directrice administrative et financière, que d'être simplement directrice comptable au bas de l'échelle dans des entreprise peu connues, avec une rémunération peu avantageuse.

Et puis quoi encore ? Réussir grâce à Soraya ? Par le biais de Soraya ? Je n'ai pas envie. Je soupirai, non je n'ai pas envie ! Mon portable bruit et automatiquement, je fis basculer l'appel sur Deny, sans perdre mon temps à vérifier qui était-ce. L'embouteillage se dissipa finalement, et je pus accélérer jusqu'à mon domicile, je me plongeai dans un bain moussant, en essayant de penser à Nathann. Je souris en me mordillant la lèvre inférieure, un désir impétueux prit naissance entre mes cuisses. Je longeai ma main jusqu'à la table de bain et saisis mon smartphone, puis le laissai un texto.

📨 Toi, moi, cocktail ? Demain soir t'en dis quoi?

Je posai doucement ma tête sur ma baignoire, en fermant les yeux. Une douce torpeur emprisonna mes paupières closes. J'imaginai son corps et frémi lascivement, sa démarche assurée, son attitude charismatique, sa façon de se vêtir, le ton de sa voix, m'excitaient terriblement. Comment voudrais-je lui crier de manière frontale que "je le désire"! À près tout, une femme avait bien le droit de désirer quelqu'un sans l'aimer. De mon point de vue émotionnel, pour l'instant, je n'avais pas besoin d'amour, d'engagement, et de lien mutuel s'entretenant sur la durée, je veux juste m'évader et ce qui se cache sous le pantalon de Nathann, me semble être l'outil parfait pour assouvir mes désirs érotiques...

.Antrav.Où les histoires vivent. Découvrez maintenant