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.Soraya.

Après que ma bouche ait déferlée toutes les monstruosités que m'avait fait subir Rafaël, que mes lèvres aient dévoilés les cruautés de Yaël à ma personne, que mes yeux aient pleurés chaque note nostalgique de mon histoire avec Nathann, grand-père était rentré dans une colère obsessionnelle. Des pluies de reproches foudroyantes sont sorties de vive voix, des sensations de culpabilité dû à ma naïveté m'avaient assailli. Le lendemain matin était arrivé comme un nouveau jour. Il s'était excusé de s'être emporté et depuis j'avais retrouvé un soutien moral inébranlable entre ses bras pleins de sécurité, une tonne d'affection de son cœur débordant d'amour pour sa petite fille et une assurance infaillible dans son regard surprotecteur. Était-il heureux d'avoir une arrière-petite-fille si tôt ? Il s'était étonné, et n'avait encore rien dit...Il était déçu, je le savais. Trois jours s'étaient écoulés, les intempéries s'étaient apaisées et le soleil revenait petit à petit. Comme le dit si bien Vendredi sur mer dans Mort fine, le ciel redevient toujours bleu, alors j'attendais que mon ciel redevienne bleu...

- Alors polochon, tu es sûre de ne pas vouloir venir? Me tira la voix de grand-père de mes réflexions.

Depuis le jour de mes quatre ans ou j'avais insisté pour me déguiser en polochon à Disney world plus précisément à Orlando afin que je sois photographiée auprès de la petite sirène, il m'avait adopté de ce sobriquet...

- Non grand-père. Répondis-je en refermant mon livre Mam'zelle de LylyB. Je n'ai pas envie de les croiser, de les regarder, ni de me souvenir de leurs cruautés...

- Je comprends Soraya, mais il faut également avancer sans les avoir comme fardeau à y penser desque tu entendra citer leur prénom.

- Je sais grand-père, j'essaie, je te jure que j'essaie.

Il eut un petit air inquiet. Il me rangea mes boucles...

- Je l'ai vue dans un meme ce matin ...

- Quoi donc ?

- Si tu ne peux pas être un crayon qui dessine le bonheur, sois une gomme qui efface la tristesse. Ne te sens jamais coupable de repartir à zéro.

- Merci Grand-père.

- Et ta peinture?

- J'ai dessiné une marguerite, il est encore inachevé, il me manque les tiges et les feuilles... mais ça avance. Avec les tutoriels sur Instagram, j'y arriverai !

Il rit en se rendant dans la cuisine où il se servit une tasse de café et des tartines grillés. Il a toujours sous-estimé mes capacités artistiques. Je n'étais pas une grande artiste. Je l'avoue. Entre temps, j'essayais d'adopter de nouvelles habitudes, j'avais besoin de changement depuis un certain temps. J'aurais bien voulu couper mes cheveux, sauf que j'avais peur que ça fasse fuir mes boucles! Ne sachant pas trop quoi faire, j'avais choisi de réaliser des emplettes en ligne sur Amazon pour m'équiper d'un ensemble d'aquarelle, de gouaches, de pinceau, de feuilles de bristols et de feuilles blanches afin de m'adonner à la peinture acrylique, le dessin, du bricolage et booster ma créativité. Je me suis également mise à lire la bible en commençant par quelques psaumes, puis à voyager a travers de douces lectures de romans comme ceux de Lyly B.A avec Outsider et Chadek, tout cela en contemplant les eaux turquoise du Cap-Haitien, le son des vagues qui me ramenaient sans cesse à Nathann, le verdoyant des arbres de la villa Tippenhauer, la diversité et le parfum des fleurs qui s'offraient à cœur joie au panorama antillais sans rien demander en retour. Grand-père avait du goût en matière d'architecture ! Cette villa donnait goût d'y rester éternellement. Ça me procurait une certaine paix incroyable, mémoire nostalgique peut-être, cœur mélancolique peut-être mais ça ne m'empêchait pas d'apprécier la vie et d'aller de l'avant en vivant pour moi, pour mon bébé et grand-père. Il se soustrait du bar de cuisine et me caressa légèrement le ventre en s'asseyant sur une causeuse en croisant ses jambes a l'americaine.

- Et le père ??

Je portai mes yeux ailleurs...

- Absent. Arguai-je

- Hmm. Tu lui as parlé ?

- Non.

- Tu comptes le faire? Demanda-t-il d'un ton qui paraissait beaucoup plus à un ordre qu'une question.

J'expirai bruyamment sans rien dire.

- Il faudra le faire un jour ma puce...

- Tu es déçu n'est-ce-pas ? Je sais que tu l'es.

-Déçu que tu m'es caché ta grossesse dès le moment où tu l'as sue et toute l'histoire qu'il y avait derrière, oui. Juridiquement, tu as été infidèle, c'est de l'adultère tu sais...

Je baissai les yeux.

- Je sais grand-père.

- En revanche tu as été marié contre ton gré et je ne veux que ton bonheur Soraya et celui de notre petit bout d'ange qui va bientôt te faire ressembler à une baleine..

Je souris légèrement.

- Et ce petit bout d'ange aura besoin de son père, vue à ce qu'il paraît il n'est pas mort...

-....

- Bon, je crois que l'heure de mon vol est arrivée. Nicolas m'attend. Dit-il en me posant un baisé sur mon front.

Grand-père était prêt pour son départ à Port-au-Prince. Il avait contacté ses meilleurs collaborateurs. Son premier allié était l'un de ses meilleurs amis avocats, Nicolas Soukar. Son cabinet était  reconnu sur l'échelle nationale et internationale pour résoudre les litiges les plus filandreux. Nicolas avait sa villa non loin de celle de grand-père et de Christopher. Dans les années 80, ils formaient un clan exceptionnel disaient-ils tous. Dès lors qu'il lui en avait fait part de toute cette histoire peu scrupuleuse, il avait saisi les preuves que j'avais depuis la tablette de Deborah afin de coler un procès à Rafaël et à Yaël. Grand-père savait faire jouer ses relations, et quelque chose qui aurait pu s'élargir sur un mois, il le résolvait en moins de trois jours ! Je n'avais pas envie de l'accompagner, revoir le visage de ces gens-là ne m'intéressaient guère. Je voudrais qu'un jour qu'il ne soit à mes yeux que des étrangers...

- Sa femme viendra rester avec toi durant mon absence. Rajouta-il

- Je peux rester seule. Inutile de déranger Madame....

- Tu es enceinte polochon. Me coupa-t-il. Le père de cet enfant voudra le retrouver en pleine forme. Rappelle-le. Il te faudra deux ailes pour aider votre petit oiseau à prendre son envol...

- Il m'a trompé grand-père.

- Et sa version de l'histoire tu l'as écouté au moins ?

- Ça n'a plus d'importance...

Il soupira et me flatta les cheveux. Sa belle trolley noire debout près de lui attendait d'être guidée vers le véhicule de Nicolas qui lui klaxonnait déjà depuis sa black Cadillac 1960. Il se leva, salua généreusement la femme de Nicolas qui avançait vers nous et pris congé de nous. Dès qu'il tourna le dos en posant ses lunettes de soleil, je le savais, il n'était plus mon grand-père adoré, sinon l'homme d'affaire à la réputation de fer, Eric Tippenhauer qui de mains fortes allait faire appliquer chaque lettre du livre constitutionnel que Rafaël Pompé et Yaël Duraucher avaient transgressé...

.Antrav.Où les histoires vivent. Découvrez maintenant