Selon Soraya la plupart des hommes sont des connards, mais les femmes ... hm .. les femmes, elles ? Elles sont mille fois pires....
Soraya,n'a jamais été amoureuse, pourtant elle n'a de yeux que pour son mari...Tout par et pour son Rafaël....
Je ris de l'accent de son dialecte que j'appréciais bien et ajoutai d'un ton enjôleur :
- foi incrível como sempre! [ C'était de ouff comme toujours]
Il rit à son tour en tapotant du pied et en secouant négativement sa tête.
- Ayayay ! Anpil plezi ... Reprit-il.
- Tu n'imagines pas Franky, muito, muito Plezi !! Ajoutai-je.
- Ala koze papa ! S'exclama-t-il.
Je hochai affirmativement de la tête, quoique je n'aie pas compris son dernier commentaire.
- Yeah !! Fis-je en souriant.
Mes haut-parleurs qui étaient logés dans le ciel pavillon de ma Jeep diffusaient Agua de Saïb, je pianotai mes doigts sur le volant en remuant la tête au même rythme Pop-Jazz brésilien qui ambiançait l'intérieur de ma tire immobile dans une file indienne de voiture, qui attendaient désespérément que cet embouteillage diminue progressivement qui personnellement ne me dérangeait nullement. Je fis basculer mon siège conducteur légèrement en accrochant un pied au volant, prêt à attendre patiemment que la circulation se décoince. Je me mis à fredonner les paroles de Saïb afin de ne pas me laisser envahir par l'ennui. À cette heure de la journée, les rues de Bourdon étaient souvent ainsi. Déjà que je revenais du Lycée Français (L.A.D) où j'avais organisé une mini rencontre sur l'impact de l'eau sur la planète avec les classes de secondes. Un projet parrainé par la UNICEF.
Une jolie morena aux courbes d'une guitare traversa le trottoir, prêt à grimper un "Tap-Tap". Je fus amusé par la rapidité de son langage dont je ne saisis aucun mot ! Vivement, je me retournai vers Franky en l'enseignant la jeune femme, puis m'exclamai en utilisant l'un des propos appris par lui :
- Franky Bel Madam ! Dis-je en dessinant son corps par des gestes mimés
Il rit en secouant négativement de la tête :
- Iyyyyy, Gen koze ! Fit-il.
Assis à ma gauche, il ne cessait de scruter l'assemblage de véhicules, à travers le pare-brise ! Il semblait impatient d'emprunter les rues de l'hôtel Oasis où j'avais mon magasin de skateboard personnalisé. Franky était mon guide et traducteur Créole. Il était le prototype exact de l'homme noir haïtien, grand, noir, lèvres épaisses, cheveux crépus, il était loin d'être comme ceux qui vivaient dans les hauteurs de Pétion-Ville, où à travers les luxueux quartiers résidentiels de la capitale, ceux qu'ils appelaient les mulâtres, "sangs-mêlés", ou encore "Ti boujwa "! Depuis que je l'avais croisé dans l'aéroport T.L, lui et moi, nous avions sympathisé. Étant un ex-immigrant du Brésil, il maîtrisait bien le Portugais et il s'était proposé d'être mon bras droit, tout au long de mes parcours sur l'archipel des Antilles. Étant donné que je ne parlais pas le créole, mais plutôt l'Anglais, le français et le Portugais, il était pour moi un interprète idéal qui m'aidait à découvrir les parties cachées que la haute société de ce pays fuyait. Cela faisait bien deux ans que je parcourais les délices mythiques de ce pays, qui était d'une hospitalité et d'un langage culturel totalement particulier.
- Esse engarrafamento é chato !! Commenta-t-il. [Cet embouteillage est énervant]
Je lui fis d'un geste posé de la main.
- Tranquil Franky ! Répliquai-je.
Au moment où je m'apprêtai à sortir un deuxième commentaire positif, je remarquai que la jeune morena faillit tomber en chute libre sur la chaussée, elle fut retenue de justesse par les autres passagers. J'éclatai de rire et attirai l'attention de Franky vers elle.
- Franky Madam !!
Il se mit à rire à son tour. Ma risada* s'estompa lorsque mes iris restèrent figés vers la ligne opposée. Mes sens se mirent en alerte. Dans une belle Landcruiser se trouvait la jolie fleur de Lys de la discothèque, celle que j'avais délibérément observée sans jamais me lasser. Celle qui m'avait déstabilisé et avait fait de mes nuits un toboggan de cogitations le weekend dernier. Mes lèvres s'élargirent d'un sourire. Elle conversait au téléphone. Elle sourit. Ce fut comme une piqûre de méduse, ses jolies lèvres désencombrèrent le sérieux de ses expressions pour adoucir ses traits délicats. Un coup de klaxon m'avertit d'avancer à plusieurs reprises. Vivement, je visualisai l'espace qui s'était élargi devant moi, en effet ma ligne s'avançait. D'un coup de volant agile, je sortis de la file, fis virevolter ma caisse au sens inverse, volai le passage à un chauffeur de bus puis me plaçai justement derrière sa Land Cruiser. Franky qui ne comprenait rien, se mit à me fixer d'un air incompréhensible.
- Bel Madam, Franky, Bel Madam ! Dis-je pour l'éclaircir.
Il remua la tête en répétant d'un créole prononcé.
- Mesyeu ohhh ! Ou we koze ...
- Yeah Franky, Yeah !!!
Cinq minutes plus tard, elle lança son véhicule vers les rues du Petion-Ville Club. Je l'imitai et me garai juste à côté d'elle, elle prit son sac en bandoulière, s'assura du verrouillement des portes, puis guida ses pas vers l'entrée du Club. Je l'observai depuis mon rétroviseur. Elle était d'une élégance hors pair et d'une beauté à me couper le souffle. Je descendis à mon tour de ma Jeep, mis de l'ordre dans mon bermuda, rangeai mon t-shirt puis déclarai d'un ton enjoué :
- Tu viens Franky?
- Non, non, tu peux y aller seul, M'ap fe yon ti kabicha pito !
- Hum, très bien, c'est comme tu veux ! Dis-je vaguement sans trop saisir la parabole de ses derniers mots.
Il s'accommoda sur le siège puis changea d'avis. Il descendit, en marquant ses pas avec allure le dos courbé en se bombant le torse, l'air confiant. Il n'avait aucune idée, que sa démarche lui donnait surtout l'air d'un vieillard bossu qui voulait prouver qu'il avait encore l'allure de sa jeunesse. Je lui tapotai le dos et ensemble nous nous dirigeâmes jusqu'à la porte d'entrée. Je checkai le portier Roland qui assit sur une chaise conversait à sa "boubout cheri" au téléphone. Franky prit siège en entamant un sujet de discussion:
- Sak kap fèt Roland, ou te gade match Barcelone nan?
Je me séparai d'eux, en me frayant un passage vers l'entrée principale prêt à attirer son regard sur moi sans aucune idée sur la manière dont j'y procéderais. Je balayai l'ensemble du périmètre de mes iris gris-vert. Je les rattachai à la piscine surplombante puis vers le restaurant Acajou où je finis par apercevoir sa silhouette dans le petit salon de terrasse extérieure, d'où elle était accompagnée de deux autres filles. Étant un membre du Club, je m'assis à ma place habituelle sur l'une des chaises-canapé en bambou, dont les coussins adoucissaient la confortabilité des sièges en nourrissant désespérément l'espoir d'être un jour celui sur qui elle voudra que son regard y repose éternellement.
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