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.Soraya.

Les talons aiguilles de mes escarpins bruirent sur le sol poli en grès cérame. La vacuité des lieux était évidente, les femmes de ménage qu'avait employés Rafaël étaient déjà parties. Je relâchai un petit soupir excessif et empruntai les escaliers qui me conduisirent vers notre chambre principale. Je refermai la porte derrière moi, déposai mon sac et mes clefs en abandonnant le livre de Nathann sur la petite table de nuit. Je m'assis sur le matelas standard dont la literie était d'un bleu pâle. Je me déchaussai et me fis un massage circulaire aux pieds. Je balayai vaguement la pièce des yeux, et émis un énième soupir. On dit souvent qu'on est toujours mieux chez soi, pourtant en trois ans je n'arrivais toujours pas à m'habituer à cette chambre aménagée d'un style vintage Feng Shui ; à ce smart dressing room vêtue d'un design moderne, à cette large terrasse qui me donnait une vue surplombante sur tout Boutilier. Ce mal allait au-delà des compartiments de ce luxueux appartement, parce que aussi ça rentrait dans les détails. Parce que à tous ces morceaux, je devrais rajouter ce rouge à lèvres que j'utilisais, ce parfum Lady Montblanc que je portais quotidiennement ou encore ce mug que je tâtais du bout des lèvres pour humer la vapeur odorante d'un café ou d'un thé. J'avais du mal à me reconnaître. Du mal à me sentir chez moi.
Perdue au fin fond de mes pensées, je n'avais pas remarqué que je m'étais mise debout face à l'énorme psyché murale de la commode. J'observai un peu mon reflet, j'avais l'impression de me rechercher, je ressentais le besoin inouï de me retrouver. Je caressai machinalement mon alliance puis inclinai la tête vers le bas en soupirant de nouveau. Lorsque j'ouvris les yeux, je sursautai. La silhouette de Rafaël se tenait juste derrière moi ; je me retournai pour le faire face.

- Qu'est-ce qui t'arrive Soso? Tu m'as l'air préoccupé.

Je tendis une main vers sa mâchoire.

- Je ne t'ai pas entendue entrée !

- J'ai plus d'une demi-heure ici, je t'ai signalé ma présence mais tu semblais être dans les nuages, tu as eu un souci au bureau ?

- Non, juste d'étranges sensations c'est tout...

Il fronça les sourcils en me baisant la main

- Comme quoi ?

J'hésitai légèrement, puis fis un geste futile de la main.

- Ne t'inquiète pas, c'est de l'angoisse féminine.

Il posa un baiser sur mon front

- Je suppose que tu es à peine rentrée du bureau. Demanda-t-il

J'affirmai d'un hochement de tête. Il me caressa la joue du bout de son pouce puis déclara :

- Tu dois être fatiguée, va donc prendre ta douche je vais te préparer le thé.

Je grimaçai, j'avais horreur de ce thé à base de basilique et je ne sais quelles autres plantes médicinales. Il dit que le docteur Bouchereau l'avait formellement recommandé depuis mon amnésie bénigne. Cela faisait bien trois ans, qu'il s'assurait que je le prenais deux fois par jour. Pourtant, mon corps me réclamait à cor et à cri d'en arrêter la consommation. Sa voix résonna à travers mes tympans :

- Qu'il y'a t-il?

- Je.. Je n'ai pas envie de boire ce thé...

- Et pourquoi ? Si c'est une prescription du docteur

- Je... je voudrais personnellement parler au docteur pour lui expliquer les raisons pour lesquelles que je ne me sens pas capable de continuer à boire cette infusion, ou qu'il me le change...

Il se rétracta légèrement puis répondit d'un ton empressé :

- Très bien, je lui en parlerai, inutile de te tourner les pouces je m'en chargerai. Mais de toute évidence il faut que tu le boives cet après-midi.

.Antrav.Où les histoires vivent. Découvrez maintenant