Entre deux sentiments

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Rhadamanthe laissa tomber ses clés dans la coupelle du meuble de l'entrée. Il les regarda un instant, ses deux trousseaux. Jamais il n'aurait cru que Kanon puisse connaître aussi bien son frère. Parce qu'effectivement, Saga était parti avec la moto que son cadet avait laissée. Se retrouvant seul sur le trottoir, le juge était parti au tribunal pour se changer les idées et oublier cet amour qu'il venait de perdre. Jamais il n'avait autant désiré un homme comme il avait voulu les deux frères. Et il les avait perdus, tous les deux. Il se sentait vide. Jamais plus il ne laisserait quelqu'un pénétrer à ce point dans son cœur. Alors ce soir, ce n'était pas un verre de whisky que le juge allait vider mais la bouteille. Et peut-être même qu'il se dispenserait de remplir son verre.

- Bonsoir.

Rhadamanthe se contenta de répondre d'un signe de la main en passant devant la porte du salon. Puis il s'arrêta brusquement. Deux trousseaux de clés dans la coupelle de l'entrée ! Pourtant après le départ du professeur, l'homme de loi était certain d'être sorti avec le trousseau que lui avait ramené Saga après « l'enterrement » d'Arlès, celui-là même que le juge avait rageusement lancé dans le bureau. Il avait dû prendre celui-ci parce qu'il ne trouvait pas celui qu'il laissait toujours dans la coupelle de l'entrée. Et là, il y avait les deux trousseaux et quelqu'un venait de lui dire « bonsoir » alors que la maison était censée être vide puisqu'il vivait seul.

Et cette voix, le juge la connaissait bien. Une tonalité qui donnait à son cœur un douloureux espoir. Il se recula de quelques pas pour s'arrêter de nouveau devant la porte du salon, cette fois. En face, sur le canapé, à cette même place qu'avait occupée Arlès... le juge senti son cœur bondir dans sa poitrine. Il était là. Saga. Assis en face de lui, un livre ouvert sur les genoux, le visage tranquille mais sans un sourire. Que venait-il faire ici ? Lui rappeler qu'il n'y aurait plus jamais rien entre eux ? Rhadamanthe avait compris, inutile de le lui rappeler ! Ils se dévisagèrent un long moment, sans un geste, sans un mot. Comme si Saga n'était qu'un songe qui s'évanouirait si le juge prononçait une seule parole. Et pourtant...

-Où était mon trousseau ?

Entendre sa voix, il voulait juste entendre sa voix encore une fois.

- Dans ma voiture. Vous avez dû le faire tomber lorsque vous êtes venu me parler.

Peut-être. Sans doute. Le juge ne s'en souvenait pas. Il n'avait pas fait attention. Tout ce qui l'intéressait à ce moment-là, c'était de persuader Saga de rester vivre avec lui. Et il était là, devant lui, tranquillement assis dans le canapé du juge, en train de lire il ne savait quel livre. Mais Rhadamanthe n'osait pas espérer. Il aimait les certitudes et avec Saga, rien n'était acquis. Cet après-midi, lorsque Kanon les avaient sortis de la voiture, il avait cru avoir convaincu l'enseignant et que son départ n'était que pour le faire poireauter, lui qui n'avait pas été suffisamment précis dans sa demande de vivre ensemble. Mais Saga le vouvoyait. Ce « vous » se dressait comme un mur infranchissable entre les deux hommes alors...

- Et vous vous en êtes servi pour rentrer...

- Il ne fallait pas ?

Si bien sûr. C'était juste que... Arlès entrait toujours par effraction même avec un trousseau dans la poche ! Le juge vit une ombre passer dans le regard de Saga et un mince sourire se dessiner sur ses lèvres. Zut, il venait de parler de son frère. Il aurait voulu prendre l'enseignant dans ses bras pour tenter de consoler sa peine. Et consoler la sienne par la même occasion. Sentir de nouveau son odeur, sa présence... Mais il valait peut-être mieux changer de sujet. Seulement il n'osait toujours pas s'avancer.

- Que lisez-vous ?

C'était stupide comme question mais c'était tout ce qui était venu à l'esprit du juge. Saga referma son livre pour en lire le titre : Droit pénal. «Ah bien » commenta Rhadamanthe avant de réaliser que c'était son livre et qu'il était habituellement sur sa table de chevet. Saga était donc entré... dans sa chambre. Son cœur ne faisait pas qu'un seul bond dans sa poitrine, il semblait hurler au juge de serrer Saga dans ses bras, de l'embrasser, de...

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