Confrontation

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Mardi 15 mars

Il attendait patiemment dans sa voiture. Rhadamanthe le savait. Kanon viendrait boire son café ici. Le juge était du genre obstiné. Il s'était mis en tête de démasquer l'imposteur des frères Gemini. Parce qu'il n'y avait que deux frères, des jumeaux, et rien d'autres. Donc la conclusion la plus logique était qu'il y avait un imposteur parmi eux. Il aurait été tentant de penser à Arlès, vu qu'il avait les cheveux blancs et que le blanc de ses yeux était d'une couleur plutôt rose, lui donnant parfois l'air d'un fou, alors que Saga et Kanon arboraient tous deux un bleu quasi identiques. Mais l'enquête non officielle du juge, en attendant celle de Dohko, toute aussi non officielle, l'avait menée à une toute autre conclusion. Mais pour confondre l'imposteur, Rhadamanthe devait se la jouer tout en finesse. Et ça, ce n'était pas dans ses cordes. Le juge préférait les questions et les réponses claires. Pour lui, c'était blanc ou noir, les autres couleurs et les nuances n'existaient pas.

Il se redressa subitement, même s'il était déjà assis bien droit dans sa voiture, en voyant Kanon s'installer à une table et ouvrir un magazine.

« Un habitué » songea Rhadamanthe en voyant le serveur amener un café sans même que le bleuté ait passé commande. Le juge attendit encore cinq minutes, une éternité pour lui, avant d'aller le rejoindre.

Kanon releva la tête au moment où Rhadamanthe s'installa en face de lui.

- Casse-toi, lança le bleuté en replongeant le nez dans son magazine tout en tachant de refouler la colère qui montait déjà.

- Charmant, l'accueil, commenta le juge, un sourire aux lèvres. Aurais-tu quelque chose à te reprocher ?

- Pas encore. Et toi ?

Le cadet des jumeaux avait relevé la tête pour regarder celui qui s'était invité à sa table. Les deux hommes se fixaient sans ciller. Que devait comprendre Rhadamanthe ? Qui lui avait quelque chose à se reprocher ? Peut-être, il voyait bien un truc mais rien d'aussi grave que le bleuté. Enfin tout dépendait du point de vue. Mais ce n'était pas le sujet aujourd'hui. Alors il reprit.

- Et si je ne pars pas ?

- J'te fous mon poing dans la g***le.

- Au moins, ça a le mérite d'être clair, j'apprécie. Et je peux savoir pourquoi ?

Pourquoi ? En plus, il avait le culot de demander ! Alors d'un ton sec, Kanon lui exposa ce qu'il lui reprochait et Rhadamanthe prit en pleine figure tout ce que le bleuté avait sur le cœur. Et ce que lui reprochait le bleuté, c'était qu'il avait joué avec son frère. D'avoir osé lui dire qu'il était une erreur, d'avoir couché avec Saga alors qu'il était déjà en couple et avec son autre frère en plus, et qu'il le savait parfaitement !

Rhadamanthe avala difficilement la couleuvre. Ces mots-là, le juge s'entendait encore les prononcer. Pourtant, il y en avait d'autres aussi qui tournaient en boucle dans son esprit. Des mots que Saga avait prononcés et qui blessaient profondément le juge à chaque fois qu'il y pensait. Mais il ne chercha même pas à s'expliquer face au bleuté. Il tâcha de garder contenance pendant que Kanon déversait sa bile sur lui et une ou deux fois, il crut que le cadet allait vraiment lui mettre son point dans la figure. Alors il restait sur le qui vive. Mais Kanon avait promis à son frère qu'il ne ferait rien même si ça le démangeait furieusement. Il finit par se lever en jetant des pièces dans la coupelle de sa tasse sans avoir touché à son café.

- L'agressivité comme parade. Ça a presque failli fonctionner.

- Pardon ?!

Kanon se retourna pour planter son regard bleu dans celui du juge. Non, il ne fallait pas que celui-ci se leurre, Kanon n'avait rien à se reprocher. Contrairement à un autre qui s'était amusé avec son frère. Et le bleuté était reparti pour une série de reproches, les mêmes mais formulés d'une autre façon, moins courtoise cette fois. Rhadamanthe se figea davantage face à cette réédition d'accusation, en serrant les dents. Son regard se durcit mais Kanon n'était pas impressionné. Jamais Rhadamanthe n'avait jamais eu l'intention de faire du mal à Saga. Au contraire, il aurait voulu... Mais il s'abstint d'en parler. Ce refus-là, le juge ne le supportait pas. Autant, il aurait pu survivre sans difficulté au départ d'Arlès. Après tout, ce n'était qu'une question de sexe entre les deux hommes. Mais Saga... Et puis, le juge n'avait aucune raison de s'expliquer face à celui qu'il était sûr d'être un imposteur.

Kanon termina son discours en disant que s'il partait, c'était uniquement pour tenir la promesse qu'il avait faite à son frère, celle de ne pas mettre son poing dans la figure du juge.

- Tu es très protecteur avec ton « frère ». Il doit t'en être reconnaissant.

- Quoi !? Ça te pose un problème que j'ai un frère ?

- Un frère ? Le frère de qui ? De Saga ? En es-tu vraiment sûr, Kanon ? ironisa Rhadamanthe en insistant bien sur le prénom.

Ce que voulait dire le juge, c'était qu'il pensait que Kanon n'était pas son vrai nom. Rhadamanthe était certain que le bleuté se faisait passer pour l'un des frères Gemini. Il pouvait éventuellement être un demi-frère, reconnu ou non. La ressemblance était providentielle et il en profitait. Mais dans tous les cas, le juge aimerait bien savoir comment il avait pu persuader l'actuel Saga qu'il se nommait ainsi.

Kanon ne l'avait quitté du regard pendant que le juge exposait toutes les hypothèses qu'il avait élaborées pour expliquer la situation des « jumeaux ». Il aurait presque eut envie de rire s'il n'avait aucun reproche à faire au juge.

- Honnêtement, je pensais pas que t'avais autant d'imagination ! ironisa à son tour le bleuté. Si tous les juges sont comme toi, les accusés n'ont aucune chance. Seulement, aucun de tes petits scénarios n'est le bon. La réalité est encore plus tordue et t'as l'esprit trop étriqué pour l'imaginer. En attendant, laisse mon frère tranquille.

- Lequel ?

- Saga. Arlès n'a pas besoin que je le protège. Et de toute façon, il fait toujours que ce qu'il veut. Il s'en fout des autres.

- Saga ne m'a pas donné l'impression d'avoir besoin d'être protégé.

- Si, de toi.

- Bien, puisque tu es vraiment le frère de Saga, tu es donc Arlès. Alors si tu me racontais un peu ton enfance, Kanon. Que s'est-il passé avec ton père ?

Le bleuté resta figé un instant, comme s'il s'était d'un seul coup replongé dans ses pensées, dans ses souvenirs. Rhadamanthe l'observa en silence, satisfait. Il était arrivé là où il le voulait. Comment le bleuté allait-il pouvoir improviser maintenant. Le juge savait ce qui s'était passé, de part son enquête mais aussi par son amant, Arlès. Même si celui-ci n'aimait pas parler de cette période. Mais l'actuel Kanon avait-il bien pris soin de se renseigner. Et l'était-il aussi bien qu'il le pensait.

- La prochaine fois que je te vois, lui répondit lebleuté d'une voix neutre tout en fixant le juge, je te casse la g***le.

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