Hadès

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Mercredi 9 mars

Hadès attendait sans bouger, assis sur le banc en bois du tribunal. Aujourd'hui, il avait vu sa mère pour la première fois depuis des mois, depuis fin août. Il ne lui en voulait pas, elle avait juste fait une bêtise mais il n'avait pas envie de la voir. Seulement, il devait la voir, il avait quelque chose à lui demander. Étant sous la tutelle de Sanctuary, les médias, au moment de son enlèvement, avaient déduit que le garçon était orphelin. Ce que ni Ayoros ni les services sociaux n'avait démenti. Trop de questions auraient été posées, et le surveillant général ne voulait pas que l'enfant soit perturbé. Les journalistes avaient parfois la fâcheuse habitude de remuer la boue sur des profondeurs inimaginables pour avoir un scoop.

Le garçon était enfin entré dans le bureau du juge en compagnie d'Ayoros, le surveillant général l'ayant accompagné. Mais ce dernier ne s'était pas attendu à ce qui s'était passé. Ce n'était pas Hadès qui avait peur de sa mère, mais la femme qui semblait terrifiée par l'enfant. Du moment où, en entrant dans le bureau, elle avait vu son fils poser son regard clair sur elle, elle avait perdu tous ses moyens. Elle avait refusé de s'approcher du garçon, de le regarder même. Et elle ne voulait pas qu'il la regarde, qu'il cesse de la regarder comme il le faisait ! L'enfant était resté immobile à la fixer. Rien n'avait changé. C'en était désolant.

L'enfant le savait, dans cet état-là, il n'y aurait rien à obtenir d'elle. Finalement, elle ne servait à rien et Hadès était déçu, à cause d'elle, il n'irait pas habiter avec Mô et Myu à Silver Moon.

Ayoros avait regardé la scène, stupéfait. Il savait que parfois l'attitude du garçon pouvait faire froid dans le dos, comme lorsqu'il lui avait annoncé sans sourciller avoir échangé la vie de Mô avec celle de sa maîtresse. Mais de là à avoir ce genre de réaction ! Le juge avait mis fin à l'entrevue au bout de cinq minutes à peine. L'enfant resterait sous la garde de Sanctuary.

Alors maintenant, ils attendaient de nouveau dans le couloir, l'enfant sagement assis près de l'adulte. Tout en essayant d'ignorer son téléphone portable qui sonnait, Ayoros tentait de trouver une explication à donner à l'enfant sur le comportement de sa mère. Et bien qu'il commençait à comprendre comment fonctionnait l'enfant, il fut tout de même surpris de sa réponse. En effet, le sort de sa mère laissait le garçon totalement indifférent, non le problème, selon lui, c'était qu'elle ne pourrait pas demander à ce que son fils aille habiter à Silver Moon avec Myu et pour Hadès, c'était tout ce qui comptait.

- Pourriez-vous répondre à votre téléphone. C'est fatigant, cette sonnerie.

Le surveillant général ferma les yeux en soupirant. Cet enfant était exaspérant d'indifférence. Et sa façon de parler, on pourrait presque croire avoir à faire à un adulte. Il finit par répondre à son téléphone. Mauvaise nouvelle. Et pourquoi fallait-il que les problèmes arrivent à l'école lorsqu'il était absent ? Il soupira, il devait absolument y aller. Il ne voyait personne qui pourrait... ah si...

Rhadamanthe fulminait. Comment avait-il pu se faire avoir de cette façon. Finalement, c'était lui qui s'était retrouvé assis sur le banc avec le petit Hadès, à attendre que son collègue en ait terminé avec l'entretien de sa mère. Alors Rhadamanthe avait sorti son portable pour lire les dernières infos et force était de constater que ce type avait bien fait de lui envoyer une photo de lui et son amant. Celle du magazine était de moins bonne qualité ! Quand à l'article qui l'accompagnait, il était tout simplement médiocre. Mais le juge n'avait pas pu rester longtemps à lire les news sur son portable. Toujours son regard était attiré par cet enfant qui se tenait droit et immobile à regarder les gens passer mais son visage, comme son regard restait impassible.

Alors c'était lui, le garçon enlevé par les guêpes, lui pour qui ils laissaient DeathMask au foyer des enfants simplement pour garder un œil sur lui. Qu'avait-il exceptionnel pour que ces insectes géants l'enlèvent ?

Mais il n'avait pas pu s'empêcher de lui poser quelques questions, notamment sur la raison de sa présence au tribunal. L'enfant lui avait répondu par des phrases courtes et sans jamais le regarder, comme si la présence du juge lui était insignifiante. Et cette attitude ne choqua pas Rhadamanthe, c'était comme si c'était tout à fait normal. Etrange, en temps normal, l'homme de loi détestait ça, être snobé surtout par un enfant !

Et au comble du comble, Rhadamanthe, en voyant les heures tourner et Ayoros qui ne revenait pas, avait pris l'initiative de ramener le garçon chez lui, en pensant qu'il y serait mieux qu'assis sur un banc au tribunal. Et puis, il devait travailler mais n'avait pas de place dans son bureau pour y mettre l'enfant. Et hors de question de le refiler à Valentine. Donc, il travaillerait chez lui.

- Tu as bien compris, lui rappela l'adulte. Tu ne touches à rien.

- Je ne suis pas débile, rétorqua Hadès en entrant dans la maison. Vous l'avez déjà dit, treize fois.

Le juge ne répondit rien. Il s'était habitué au langage de l'enfant. Un langage soutenu qui résonnait comme une douce mélodie à ses oreilles. Mais Hadès restait un enfant capable de devenir une tornade si l'envie lui en prenait, enfin dans la tête de l'adulte. Mais le garçon avait juste demandé une feuille et un crayon pour dessiner. Installer à son bureau, Rhadamanthe ne pouvait pas s'empêcher de regarder ce que faisait son petit invité.

Il repensait sans cesse à la discussion qu'il avait eue avec Hadès. Un enfant étrange tout de même, jamais le juge n'en avait vu de semblable. Ayoros lui avait relaté l'entrevue avec sa mère et il savait que le surveillant général n'était pas du genre à plaisanter avec certaines choses. Lui-même avait été surpris par les propos et la réaction du garçon. Il était contrarié parce qu'il n'était pas parvenu à obtenir ce qu'il voulait.

- Ma mère est inutile, s'était contenté de répondre le garçon lorsque le juge lui avait demandé des détails sur cette entrevue. Dites, je peux changer de maman ?

- Pour cela, il faudrait que ta mère et ton père t'abandonnent et que quelqu'un veuille t'adopter. Où se trouve ton père ?

- Inexistant.

Rhadamanthe avait voulu répondre mais la réponse comme la tonalité de la voix de l'enfant l'avait saisi. Et ce n'était pas rien pour qui connaissait l'homme de loi ! Quel enfant d'à peine six ans utilisait un mot tel que « inexistant » ? Et ce n'était pas seulement ce qui avait surpris le juge. Son attitude aussi ne correspondait pas du tout au comportement classique d'un enfant de cet âge. Hadès était d'un calme presque mortel. Ayoros lui avait déjà parlé de ce garçon, mais le voir, c'était tout de même quelque chose. Hadès regardait les gens droit dans les yeux, sans jamais les baisser ni ciller comme après l'annonce de l'échange de la vie de sa maîtresse contre celle de Mô, face à la Mort et ce simplement pour que la jeune fille, cette petite peste (opinion personnelle du juge), fasse la classe toute la semaine. Selon l'avis de l'homme de loi, l'enfant aurait dû la laisser mourir, elle ne l'aurait pas laissé poireauter pendant plus d'une heure dehors. Le juge admettait cependant que l'enfant pouvait être déroutant, surtout avec ses yeux bleus clairs qui ressortaient énormément en contrastant avec ces cheveux noirs.

- Que veux-tu ? lui demanda Rhadamanthe en sortant subitement de ses pensées alors que l'enfant était debout près de lui à le regarder fixement.

- Quelqu'un sonne à la porte, sept fois. Vous ne l'entendez pas ?

Rhadamanthe considéra un instant le petit garçon avant de se décider à aller ouvrir la porte. Ce ne pouvait être que la personne envoyée par Ayoros pour récupérer le petit, et peut-être même simplement DeathMask, ce qui serait le plus logique puisqu'ils étaient tous les deux dans le même foyer.

En tout cas pourvu que ce ne soit pas Arlès, ce n'était vraiment pas le moment ! Mais non, son amant ne sonnait pas, il cassait les carreaux pour entrer par effraction, même avec un trousseau de clé ! Mais le juge fut surpris en ouvrant la porte, il ne s'était pas attendu à lui et le cœur de l'homme de loi sembla rater quelques battements.

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